mercredi 17 décembre 2014

La saga de Mark Oliver Everett - Episode 5/15 : Last Stop : This Town

En 1998, deux ans après Beautiful Freak, Eels enchaîne avec leur indispensable sommet : Electro-Shock Blues.
Celui-ci est le disque de deuil ultime. Et pour cause. Alors que, seize ans auparavant, E a découvert le corps sans vie de son père (le célèbre physicien Hugh Everett III), voici que sa sœur se suicide quelques jours après la sortie de Beautiful Freak dans sa salle de bain (on comprend à quel point le disque sera autobiographique dès le premier titre intitulé Elizabeth On The Bathroom Floor, et ça enchaîne avec un Going To Your Funeral explicite) tandis que sa mère, atteinte d'un cancer, est en phase terminale (pour finir sur le caractère autobiographique du disque, le troisième titre est Cancer For The Cure, j'arrête là, on a compris, E parle ici de sa vie et de la mort).

Si vous ajoutez à cela la perte de quelques amis proches, eux aussi décédés, durant cette période, on comprend sans mal que Mark Oliver Everett ne s'est pas délecté de la période de succès suivant un premier opus en tant que Eels unanimement salué.

Trop, d'ailleurs, pour notre anti-héros, qui décide de se saboter commercialement avec ce disque cathartique. Le pire dans tout cela ? C'est que sa maison de disque accepte de le produire en l'état. Un truc assez invraisemblable quand on voit le fossé entre l'allégresse mélan-caustique d'un premier album pop et la tristesse incommensurable d'un second lorgnant davantage vers une forme hybride de trip-pop électro.

Isoler un titre de cet opus est une épreuve en soi, mais je dois reconnaître que ça n'a finalement pas été si difficile que cela : le nom de mon blog est un clin d’œil au titre Last Stop : This Town et il emprunte, en guise d'illustration graphique, des images issues du (formidable) clip de ce morceau.

Pour la petite histoire, il y a une anecdote qu'on trouvera ou non flippante autour de ce titre. Au retour de E, après qu'il se soit rendu, sans rien dire à personne, à l'enterrement de sa sœur qui se déroulait à l'autre bout du pays, sa voisine lui annonça qu'elle avait vu le spectre d'une jeune femme se rendre chez lui la veille au soir. Quelques mois après, c'était cette voisine (et amie) qui décédait à son tour. C'est cette histoire que narre ce titre qui démarre de façon presque naïve musicalement (le paradoxe avec la lourdeur du propos est un procédé régulièrement utilisé par l'artiste) avant que les percussions et les nappes annexes ne s'emballent, et alternent ainsi la trame narrative.

"J'ai grandi dans une maison où nous étions quatre. Il est assez difficile de me dire que je me retrouve désormais tout seul et que je ne pourrai plus jamais les revoir". Tel était, à peu de choses près, l'état d'esprit dans lequel se trouvait l'Américain pour accoucher de sa "masterpiece".




Un OVNI de ce disque : Efil's God
Un titre efficace représentatif de ce disque : PS You Rock My World
+ Un autre coup de coeur (car ce disque est décidément trop somptueux) : Climbing To The Moon

10 commentaires:

  1. Yo !
    Le meilleur morceau de l'album c'est bien possible. Je ne me lasse pas non plus de ce clip génial qui ne prend pas de rides, pas facile de nos jours.
    Je crois de mémoire (j'arrive plus à mettre la main sur le bouquin) que l'histoire c'est que la voisine a vu ce fameux spectre frapper à la porte des Everett le jour de l'enterrement de Liz, la-dite voisine n'étant pas au courant de sa mort. Pas très marrant ni vraiment important.
    Mais je reste impressionné, presque choqué, comme au premier jour à chaque écoute d'Elizabeth On The Bathroom Floor, et elles sont nombreuses les écoutes. Les paroles en sont juste les derniers mots qu'elle écrivit sur son carnet intime.
    Chef d'œuvre du bonhomme, ce disque boxe sur mon ring dans la même catégorie que Berlin.

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    1. Après vérification dans le bouquin, tu as raison, ladite voisine n'était pas au courant de la mort de Liz, mais E s'était rendu à son enterrement. Comme je n'aime pas laisser des âneries écrites, je vais modifier l'article.
      Elizabeth On The Bathroom Floor est aussi un grand moment de ce disque, qui n'en contient d'ailleurs pas de mineur.
      Si j'étais aussi fan de Lou Reed (j'apprends encore à découvrir peu à peu sa disco), je saisirais sans doute ta dernière phrase à sa juste valeur.
      Cela étant dit, Berlin est également mon Lou Reed préféré. Peut-être même au-dessus du VO.

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  2. Mince j'ai raté les épisodes précédents! Je me rattrape pendant les vacances! promis!

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  3. En parlant de clip, j'aime beaucoup celui de "Cancer For The Cure" qui met si bien en valeur la superbe intro du morceau... ah cette alternance entre percussions sobres et rage électrique et puis cette voix blanche qui surgit au moment où on sent que le morceau va vraiment partir...

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    1. Le clip de Last Stop This Town a ma préférence, mais j'aime aussi celui de Cancer For The Cure. Une belle période également sur le plan visuel pour E, donc.

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  4. rien à redire! moi aussi je choisis "Last Stop this Town".... en deuxième choix, j'aurai sans doute pris "PS: You Rock my World" qui me touche toujours autant. D'ailleurs je m'apercois que je ne me suis pas du tout lassé de ce disque, malgré le nombre incalculable d'écoutes. Très rare, meme le OK Computer ne tourne plus chez moi pour cause d'écoute intensive....

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    1. C'est vrai que le OK Computer tourne moins qu'avant chez moi aussi. Cela dit, je crois l'avoir utilisé encore plus qu'Electro-Shock Blues. Il est des joyaux qu'on préfère ne pas trop user.

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  5. Tu le sais, je te l'ai déjà dis, je ne suis pas du tout un spécialiste de Eels. Bizarrement, c'est un artiste à coté duquel je suis passé. Mais plus je le découvre, notamment via ton excellente saga (si, si !!), plus je l'apprécie et me rend compte de mon erreur.
    "Electro-Shock Blues", disque de deuil ultime, le mot est faible aux vues des anecdotes narrées ici !!! Une véritable tragédie vécu par E !! Et moi qui pensait que "Tonight's The Night" du Loner était le summum du disque crépusculaire, je me trompais !!
    N'ayant jamais écouté ce disque, j'apprend avec jubilation les origines du nom de ton blog et de ton "pseudo graphique".
    Mille merci pour cette saga, véritable bible pour les non-initié comme moi.
    Par contre, le seul album que je possède actuellement est "The Cautionary Tales Of Mark Oliver Everett" qui fait parti, sans conteste, de mes LP préférés et les + écoutés de l'année !!!
    A +

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    1. Si tu adores The Cautionary Tales, à mon avis, tu devrais trouver ton bonheur dans la discographie de Eels puisqu'il est à mon sens dans la moyenne basse de ses disques =)
      Merci pour les compliments, ça me va droit au coeur, et je suis en tout cas ravi si cette saga a pu te permettre de découvrir Electro-Shock Blues ;)

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