mercredi 14 décembre 2016

A Perfect Week (3/7) : Earthling - Soup Or Not Soup (1995)


Afficher l'image d'origineTroisième étape de cette semaine mouvementée, avec le thème suivant : Candeur : La chanson parfaite que l’on écoute le mercredi après-midi, telle une madeleine de Proust, lorsque la présence d’enfants dans les rues nous rappelle quelques souvenirs de jeunesse.



Je ne sais pas pourquoi ce titre m’est venu à l’esprit lorsqu’il a fallu choisir un titre pour ce thème. Earthling ne compose pas une musique réellement enfantine, et je n’ai découvert le duo que lors de mes années fac. C’est à ce moment-là que je l’ai sans doute le plus écouté, avec d’abord leur premier disque Radar, pour basculer ensuite vers le méconnu Humandust
L’histoire du duo fait résonner une forme de gâchis. Deux types un peu paumés à ce moment de leur vie, mais bourrés de compétences et de curiosité musicales se rencontrent et sympathisent rapidement autour de points communs culturels (notamment L’Homme-Dé de Luke Rhinehart). Et puis, l’un étant chanteur/rappeur, l’autre bidouillant des sons, ils décident de tenter quelques répét’s dans des sous-sols bristoliens.

Et ça fonctionne à merveille. Tim Saul (celui qui bidouille les sons) connait Geoff Barrow de Portishead (qui fera d’ailleurs son apparition sur quelques titres du premier album), et ça s’entend sur un Radar résolument trip-hop, hanté par le flow désabusé de Mau (qui se fait désormais appeler Maik, que ce soit au sein de Tristesse Contemporaine ou de Camp Claude, deux formations pas aussi intéressantes qu’Earthling, mais néanmoins fort agréables, et il est également apparu sur deux disques de Telepopmusik). Le pire, c’est que Radar marche, et le duo commence à jouir d’une popularité un tout petit peu trop tardive pour que ce premier disque soit un véritable succès mais, on sait comment ça marche, la consécration viendra avec l’album suivant (effet Ok Computer, primé autant pour ses qualités que pour l’ « oubli » de The Bends dans les médias).

Mais non. Humandust est trop sombre, trop hanté (notamment par les claviers de Ray Manzarek), et la maison de disques refuse de le publier en 1997, au moment où il est prêt. Il ne sera ressorti des placards qu’en 2004, mais c’est trop tard, le duo s’est séparé (il se reformera en 2011 pour un Insomniac’s Ball de haute volée). Du gâchis, donc.

Et donc, ce Soup Or Not Soup ? Il paraît sur le premier disque du groupe (qui n’est donc même pas mon préféré, bien qu’excellentissime), et il n’a pas grand-chose d’enfantin, finalement. Pourquoi le choisir alors ? Les morceaux qui évoquent notre enfance sont nombreux, mais celui-ci n’évoque pas la mienne. Il est lié à mes trajets de la fac à la station de métro, où je passais devant une école primaire, souvent à l’heure de la sortie des classes, le casque sur les oreilles, Earthling branché sur le lecteur mp3.

Cette chanson, je l’ai donc souvent entendue avec le bruit des enfants en fond sonore. Peut-être plus que dans sa version originelle. Pourtant, jusque dans son titre, il m’évoque quelque chose de mon enfance. Soup Or Not Soup… Cela me rappelle clairement les repas méridiens à l’école primaire où l’on nous servait souvent une soupe infecte avec l’obligation non seulement d’y goûter, mais de la terminer. J’ai longtemps été dégoûté par la simple perspective de manger la moindre soupe. Je crois que ça vient de cette époque. Beaucoup de choses viennent de notre enfance, et jusque dans la place qu’occupe ce disque dans la discographie d’Earthling, il y a quelque chose d’enfantin. Radar, c’était le disque de la liberté, de l’insouciance, où tout était encore simple et possible. Humandust sera le passage raté à l’âge adulte. Raté car l’environnement du groupe n’aura pas su le reconnaître à sa juste valeur, bien qu’il ait eu le potentiel pour déjà y entrer dans cet âge adulte. Et Insomniac’s Ball, c’est le chant du cygne, juste avant de se projeter dans une nouvelle vie. L’approche de la retraite, en somme, le disque du vieillissement apaisé.

Soup Or Not Soup n’évoquera donc en rien la jeunesse pour quelqu’un d’autre, mais je l’associe à ces bruits d’enfants, plus qu’aucun autre titre, et il se dégage une candeur juvénile du flow de Mau, ce titre constitue donc un choix adapté pour cette catégorie.


27 commentaires:

  1. Donc tu ne sais pas quoi poser quand tu énonces les thème. C'est soit un mensonge éhonté (mais pardonné, je ferais pas mieux) soit ça te donne une idée du casse-tête pour nous ...
    La soupe de la cantine c'est sûr que c'est moins bon qu'une madeleine.

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    1. Je crois que c'est clair, il nous baratine. "J'ai eu du mal à trouver pour ce thème", "je ne savais pas quoi choisir pour celui-là" et nanani et nanana. Ma parole il nous prend pour des lapins de 3 semaines. Ou 5 ou 7 ou je sais plus combien de semaines il faut attendre pour que l'expression ait du sens.

      M'en fous, j'ai même pas eu de mal à trouver moi !

      Soup ou no Soup ? Non sérieux tu me poses la question là ? Et bin je vais te répondre moi. Ca dépend à quoi la soupe.

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    2. Et à un moment les jeunes lapins deviennent de vieux singes. (Aujourd'hui c'est Contes de Perrault chez moi)

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    3. Toutes les soupes sont bonnes, sauf celle qui passe à la radio !
      EWG, opte pour le mensonge éhonté. Et assumé !

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  2. Earthling, j'ai encore une cassette avec UNLE de l'autre côté... Souvenir souvenir... Mais ce n'est plus l'enfance pour moi. J'aimais bien ce mix rap/trip hop que le premier Massive Attack avait entamé en son temps (et qui reste pour moi un summum, un disque où il y a un avant et un après).
    Je ne connais pas le second Earthling. A l'époque, je décrochais pas mal de la musique et j'avais peu de temps pour en écouter de nouvelles...
    Le son du premier vieillit pas mal (et je dirais mieux que le 1er Portishead qui malgré son "aura" me parait de plus en plus daté et prend un coup de vieux quand je l'écoute (je sais que mon propos a quelqaue chose de blasphématoire mais avant de m'excommunier que chacun le réécoute "objectivement" avant).

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    1. Avec le recul, j'en viens presque à préférer le second Portishead à Dummy, qui avait ma préférence avant. J'adore les 3 Portishead (les 4 avec le Roseland NYC) sans parvenir à les classer par ordre de préférence.
      Franchement, je conseille ouvertement l'écoute du deuxième Earthling. Un très bon disque.

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    2. Moi aussi je préfère le second. Le 1er a des morceaux intouchables, mais il finit par exploiter les mêmes ficelles. Leur Live est effectivement un vrai album à écouter à part entière, bien d'accord avec toi!

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  3. Soup or not Soup ? Ben non en fait, c'est loin d'être de la soupe. Le morceau est relativement long pourtant ça ne nuit pas à son intérêt.

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    1. Etonné que tu apprécies. Après les Sleaford Mods, te mettrais-tu à apprécier davantage ces lignes vocales se rapprochant du rap ?

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    2. J'en ai bien peur...
      40 piges c'est tard pour un coming out non ?

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  4. Pas de soupe pour moi, plutôt une côte de bœuf avec des frites !!!
    Titre plutôt sympa, quoiqu'un peu répétitif.

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  5. Avec la rythmique on se croirait en fermant les yeux dans un train avec le bruit de la foule qui t'entoure, un mélange de sons et à la fois une unité, plus un voyage qu'une récré pour moi.

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    1. Oui, je comprends ton point de vue. La cour de récré, c'est plus lié à mon rapport personnel à ce morceau, aux circonstances de l'écoute. Pas sûr qu'il évoque en soi l'atmosphère enfantine.

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  6. C'est bien ça !
    La voix nasillarde du gars accroche bien, le beat est bon. Y'a un côté mélancolique dans la musique, et un côté "ludique" aussi dans la prod, même si le résultat est froid et assez sombre, du coup ça colle bien au thème. Et je suis presque déçu qu'il n'y ait pas de samples de voix d'enfants jouant dans la cour du coup, ça irait super bien.

    Tu connais Anderson.Paak ? Je trouve que c'est un peu le même type de voix.

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    1. Hé hé, t'as raison, je pourrais soumettre l'idée à T. Saul, celui qui assure les instrus dans le duo, et qui nous avait fait le plaisir de participer à notre compil' Clouds pour IndieRockMag en 2012 (je blague, jamais j'irais lui demander ça, mais c'était juste histoire de rappeler sa chouette participation à ce projet avec un bon remix : https://indierockmag.bandcamp.com/track/earthling-t-saul-fly-away-ashes-remix
      D'ailleurs, Dog Bless You participait lui aussi, sur le volet Clashes).

      Je connaissais pas Anderson.Paak. Un peu trop sirupeux pour moi, mais je ne déteste pas du tout, loin de là, y a quelque chose. Ce qui est déjà pas mal dans ce versant que j'ai tendance à négliger.

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  7. Je ne sais pas pourquoi vous avez tous "bloqués" sur l'enfance - pour moi, ce n'était pas le plus marquant dans le thème - cela dit parce que je connais très mal le groupe proposé!

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    1. C'est ça qui est chouette, chacun interprète le thème comme bon lui semble. La candeur n'est pas qu'enfantine, tu as clairement raison !

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  8. Ouiiiii quel album ! Quels souvenirs ! Période fac pour moi aussi, en plein dans le trip hop, pour une fois que je pouvais vivre une période musicale en direct ! Je l'ai beaucoup écouté et grâce à toi je l'ai ressorti de son étagère. ..Je les avais vus aux Eurocks aussi à cette époque. ..bref, une vraie madeleine. ..:)

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  9. Pas une madeleine pour moi mais j'aime bien!! Je repasserai donc pour le dessert!

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  10. Magnifique explications.. d'autant plus que je ne connaissais absolument pas. Et je vois Telepopmusik que j'avais oublié.. merci pour cette découverte intime. Moi à la cantine lemidi, je me souviens parfaitement d'un pote qui me filait ttes les K7 de Jethro Tull.. je saispas pourquoi j'te dis ça.. ah ouaih si..t'es un jeunot ;D

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  11. Triste destin pour ce groupe.
    Intéressant cette fusion qui fut assez évidente entre le rap et le trip hop, ayant beaucoup apporté à ce premier en décodifiant la production et ouvrant à plus de mélodocitié. En tous cas assez pour que même Damon Albarn s'y mette avec Gorillaz, proposant une vision beaucoup plus pop et FM de la chose.

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  12. jamais déçu et surtout toujours surpris. Tout un univers musical que je ne touche que rarement, mais un peu quand même "Earthling" j'avais pris à la médiathèque à l"poque "RADAR" Ici aussi c'est toi qui apporte la candeur et du coup le titre change d'horizon, l'intérêt d'écrire

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    1. Ha mais en fait je l'avais, mais aps reconnu au début car sur mon album il est un peu différent. Pô grôve, tu as mis l'accent dessus et c'est ça que je trouve chouette, car j'avais du le survoler

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  13. je reconnais la qualité du morceau, mais c'est vraiment le genre de trip hop première période que je n'aime pas du tout...

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  14. Grand album (j'aurais du mal à les départager avec le second finalement, peut-être un faible pour Humandust dans son ensemble mais Radar a les meilleurs titres, comme Nefisa), grand titre (que je soupçonne d'avoir influencé le hip-hop acoustique mélancolique et tourmenté d'un label comme Decorative Stamp), grand groupe méconnu et c'est rudement bien dit tout ça.

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    1. A part jamesreeinder et AbSUrd, je crois ne rien connaitre du catalogue Decorative Stamp. Tu me conseillerais quels artistes ? Le label est toujours actif d'ailleurs ?

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    2. Non malheureusement j'ai l'impression qu'ils ont un peu laché l'affaire... dommage.

      Le Murmur Breeze était super avec AbSUrd à la production : https://ctcrecords.bandcamp.com/album/foreshore-reverie-vinyl-edition

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