dimanche 30 mars 2014

Eels - The Cautionary Tales of Mark Oliver Everett (2014)

J'ai assez peu de temps en ce moment [c'est pas comme si j'avais un mémoire à rendre dans 3 semaines] donc, j'en suis désolé, je fais quelques doublons entre ce que je peux écrire sur IRM et ce que je poste ici. Je le fais sans scrupule, d'autant plus qu'un nouvel album de Eels, forcément, j'ai envie d'en parler partout.

Et puis bon, je ne sais pas, peut-être que j'ai un penchant schizophrénique, mais si tel est le cas, il n'est pas encore assez développé pour que je réussisse à avoir deux avis différents sur le même disque.

Le principal intérêt que je trouve sur ce blog, c'est que je peux avoir un ton plus personnel, avec peut-être un peu plus d'humour parfois (nan, vous rigolez jamais ? Bon, je dois pas être bon pour ça, pas autour de la musique en tout cas, pas autour de grand chose peut-être). Mais avec Eels, j'ai pas envie de rigoler. Pas que ce disque est triste, du moins pas plus que d'autres (quoi, Electro-Shock Blues ?), mais j’idolâtre tellement le personnage que toute tentative d'humour est désuète le concernant.

Un peu comme quand notre gorge est nouée au moment de parler à la personne convoitée. Là c'est la même chose, pareil. Bon, par contre, le côté personnel, j'aurais pu l'évoquer, ça, j'en aurais des choses à dire sur Eels. Mais je compte bien faire une rétrospective de sa discographie. Pas prochainement, hein, j'ai d'autres échéances avant. Mais pour la rentrée de septembre, je l'espère. Bref, je balance la sauce.

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On n’attendait pas un nouvel opus si rapidement. Un an après l’excellent Wonderful, Glorious, Eels est de retour avec The Cautionary Tales Of Mark Oliver Everett.

La discographie des Américains est riche. De 1996 à 2005, elle ressemble même à un sans faute absolu. Sur cette période, Eels livre six disques oscillant entre le chef-d’œuvre absolu (Electro-Shock Blues ou Beautiful Freak) et le très bon.

Et ensuite ? Ensuite, Mark Oliver Everett, le leader de la formation a écrit une autobiographie intitulée Things The Grandchildren Should Know. On y retrouvait le personnage que l’on aime, génial (la qualité de ses textes laissait déjà supposer une certaine aisance plume en main), à fleur de peau, plein d’humour et modeste.

Pas le genre d’individu auto-centré, en somme. Et dans la foulée, après quatre ans de hiatus, Eels accouchait de trois albums sur une période de deux ans. Malgré le très bon Hombre Lobo, cette trilogie présentait un E ayant vieilli, s’interrogeant sur l’approche de la mort (notamment sur End Times).


Ces questionnements, il ne les a jamais vraiment mis de côté. En effet, à la suite de cette trilogie, Mark Oliver Everett convie ses musiciens pour enregistrer quelques morceaux extrêmement personnels. Mais la genèse est délicate et l’Américain trouve que le résultat manque d’authenticité. "J’ai décidé de mettre de côté plus de la moitié des chansons pour en écrire de nouvelles plus inconfortables. Si je ne suis pas mal à l’aise avec mes morceaux, ça ne me convient pas. J’avais besoin de creuser un peu plus".

Mais entre temps, il rappelle ses musiciens pour quelques sessions d’enregistrement qui seront le point de départ de l’excellent Wonderful, Glorious, sorti l’an passé. Ce disque fut le premier écrit par le groupe dans sa globalité, et lorgnait vers l’énergie rock de Souljacker, quatrième disque de Eels.

Après cette longue tournée, E ajoute de nouveaux morceaux et finalise The Cautionary Tales of Mark Oliver Everett. Un titre somme toute pompeux, mais qui a le mérite d’annoncer la couleur. Ce disque sera très personnel et introspectif. La pochette confirme la tendance. Après Souljacker, ce n’est que la seconde fois (voire la troisième si l’on inclue l’ombre de sa silhouette sur Hombre Lobo) que le visage de Mark Oliver Everett sert à illustrer le disque. Et pour le coup, c'est même en gros plan qu'il s'affiche.



Vous l’aurez compris, E ne triche pas sur The Cautionary Tales of Mark Oliver Everett. A-t-il d’ailleurs déjà triché ? On parle d’un type qui aurait pu être une machine à tubes taillés pour la radio, et a préféré maintenir le cap de l’authenticité et l’honnêteté. Grand bien lui en a toujours pris, et ce disque n’en est qu’une nouvelle confirmation.

L’opus s’ouvre sur Where I’m At avec des vents et un piano qui ne sont pas sans rappeler le live Oh, What A Beautiful Morning, enregistré sur la tournée de Daisies Of The Galaxy. On ne retrouvera pareille tendance que sur Where I’m Going, dernier titre qui reprend ce même thème dont la partie au piano a de faux airs de A Line In The Dirt. C’est une véritable épanadiplose narrative que nous propose E. Le disque se referme sur lui-même, comme s’il ne devait jamais s’arrêter. Est-ce là un message que Mark Oliver Everett souhaite faire passer dans ce disque personnel ?

Globalement, le disque rappelle fortement Blinking Lights And Other Revelations, l’autre album introspectif de la discographie des Américains. C’est particulièrement criant sur la rythmique presque galopante d’un titre comme l’imparable Where I’m From, Answers ou même Serie Of Misunderstandings qui n’est finalement pas très éloigné de ce que pourrait être une version instrumentale de Theme From Blinking Lights.


Mais jamais Mark Oliver Everett ne se singe. Il a déjà donné sur End Times, en 2010, où il reprenait la base de Manchester Girl, titre qu’il avait réalisé alors qu’il officiait en solo sous l’étiquette de E pour former le très poignant A Line In The Dirt, dont le seul défaut était finalement son absence d’originalité. End Times constitue néanmoins l’album auquel on pense le plus souvent.

Les titres épurés, où seuls résonnent les arpèges et la voix de E, voire une discrète ligne de cordes, sont légion. Mais contrairement à End Times, où l’inspiration du natif de Virginie nous faisait pour la première fois craindre un déclin futur, The Cautionary Tales Of Mark Oliver Everett a les moyens de ses ambitions.

On se rend compte qu’il est inévitable de parler de l’artiste au singulier du fait du caractère intimiste et dépouillé de l’album. S’il a définitivement mis les bidouillages électros dElectro Shock Blues de côté, E est désormais à ranger du côté des grands sages à la classe et à l’aura évidente. Il s’est assagi. Dans la démarche, on pourrait même observer l’amorce d’un virage vers une folk qu’il avait commencé à titiller dès Shootenanny ! en 2003.



En effet, sur quelques titres, Gentleman’s Choice en tête, voire Dead Reckoning, E prend son temps. Plus que jamais. L’auditeur distrait s’ennuiera. Ceux qui prendront la peine de s’y immerger apprécieront. Mais les plus belles réussites de l’album sont encore ailleurs. Comme dit précédemment, on pense ici souvent à End Times, si ce n’est que l’inspiration serait cette fois pleinement au rendez-vous. Everett nous propose donc des chansons à la dimension mélodique imparable. On pense à Agatha Chang, A Swallow In The Sun, mais surtout Parallels dont la construction, la simplicité déconcertante et le caractère addictif évoquent Elliott Smith et dont le titre fait évidemment référence à la théorie des mondes parallèles découverte par un certain Hugh Everett, père de.

Il nous reste encore deux morceaux formidables à évoquer. Pour commencer, la fausse candeur de Kindra Spirit rappelle la délicieuse époque de Daisies Of The Galaxy. Mais il y a surtout Mistakes Of My Youth qui figure déjà parmi les plus beaux de l’incroyable discographie de Eels. La recette est pourtant simple mais, outre son songwriting de génie et sa voix hypnotique, c’est sans doute, encore une fois, l’authenticité dont Mark Oliver Everett a fait son leitmotiv qui donne une dimension supplémentaire à la chose.

Vous l’aurez compris, The Cautionary Tales Of Mark Oliver Everett est un disque introspectif dont la démarche congruente est indéniable. Surtout, après Wonderful, Glorious, E prouve qu’il est dans une période artistiquement faste. Il ne s’agit pas d’un disque noir ou désespéré comme l’Américain a pu en réaliser par le passé. Il n’en reste pas moins qu’il n’a toujours pas vaincu ses vieux démons.

Ne reste plus qu’à l’auditeur d’accepter que l’on n’a plus à faire au génial expérimentateur officiant sous l’étiquette de Mc Honky ou sur Electro Shock Blues, mais plutôt à un loup solitaire produisant des disques de chambre éclaboussés, eux aussi, du talent de leur auteur.



13 commentaires:

  1. Eh ben ! Quelle passion ;)
    J'ai écouté les morceaux que tu as mis en écoute, excellents. C'est la facette mélancolique et introspective de Eels qui me plaît le plus (ses morceaux rock me convainquent moins). Du coup, je sens que cet album va être pour moi. A+

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    1. Possible, mélancolique, introspectif et calme, ce nouvel album est tout ça à la fois.

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  2. Bon, je ne te demande pas si tu l'as aimé, la réponse est dans le texte. Les deux premiers extraits que tu avais mis en écoute, je les avais trouvés bons mais ils me laissaient craindre un album un peu trop monotone dans l'abus d'introspection.

    On va voir ce que ça donne maintenant qu'on a l'ensemble du truc.

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    1. Si tu craignais un album trop dans l'introspection, effectivement, je ne peux te garantir que tu aimeras le disque. Tu y trouveras forcément de belles choses, en revanche.

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    2. Mince j'avais pas tout capté. Sortie le 21 avril. Où est-ce que tu as écouté l'album entier ?

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  3. Je te savais grand fan du bonhomme et ce post ne fait que confirmer. (Je viens seulement de capter que ton avatar visuel était la pochette d'un de ses maxi)
    Quel beau papier doublé d'une superbe déclaration "d'amour" envers Eels et son leader. Quel plaisir de lire une critique aussi enthousiaste, sincère et écrite avec le cœur.
    Perso, Eels fait parti de ces artistes/groupes que je connais surtout de nom mais dont je n'ai pas pris le temps de découvrir réellement le travail....pas par manque d'envie, juste zappé. Encore une des grosses lacunes de ma "rock culture" !!!
    Afin de tenter de combler cet immense "désert" qu'est ma "Eels culture", quels albums me conseilles-tu ??
    Merci d'avance (si tu peux m'en dropboxer, ce serait cool !!!)
    A +

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    1. Je réfléchis à faire une série d'articles sur la discographie de Eels. Si EWG ou Xavier veulent se joindre à moi, ça pourrait être avec plaisir.
      Je te dirais que pour Eels, il faut les faire dans l'ordre. Objectivement, les premiers sont les meilleurs, à commencer par Beautiful Freak, le premier (1996), petit bijou de pop ambitieuse. Puis Electro-Shock Blues (1998), écrit suite à plusieurs deuils familiaux, expérimentations électroniques quasi-désespérées mais incroyablement réussies.
      Les deux premiers là en priorité. Après, selon tes affinités, la douce pop de Daisies Of The Galaxy (2000) ou le rock de Souljacker (2001), Hombre Lobo (2009) ou Wonderful, Glorious (2013), voire la folk de Shootenanny! (2003). Et puis quelques albums introspectifs, à commencer par le double Blinking Lights (2005) ou celui-ci (2014).

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    2. @Chris : je ne pourrais également que te conseiller de lire sa bio, soit en VO (Things the Grandchildren Should Know) ou en VF (Tais-toi ou Meurs). Et peut-être aussi de voir du côté de ses premiers albums en tant que E. (A Man Called E, Broken Toy Shop).

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  4. Mistakes Of My Youth est juste une des plus belles chansons que le bougre ait écrite !

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  5. Merci pour cette critique, à laquelle j'adhère complètement (je dois aussi avoir à peu près le même degré de fanitude que toi pour le bonhomme et le groupe). Cela va aussi sans dire que la version Deluxe contient quelques bijoux supplémentaires (notamment un super live de Fresh Feeling).

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  6. Salut Anonyme,
    ravi de voir que tu as apprécié la chronique, mais surtout le disque (car c'est ça qui compte). J'ai pas écouté la version Deluxe, mais pour avoir vu Eels en live l'an passé, la version de Fresh Feeling qu'ils avaient faite était le morceau qui m'avait le plus laissé sur le cul. Incroyable.

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  7. Le live de Fresh Feeling est celui de cette session (KCRW) : http://www.kcrw.com/music/programs/mb/mb130215eels (temps 21:00). Bonne écoute !

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    1. Merci cher anonyme. J'écouterai ça religieusement demain, sacré cadeau !

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