Mince, une reformation réussie. Il va sans dire que nous ne nous y attendions pas. Depuis 1995 et Pygmalion, Slowdive s’était retiré. Alors évidemment, les différents membres du combo s’étaient adonnés à des projets divers. Parmi ceux-ci, Neil Halstead, Rachel Goswell et Ian McCutcheon se réunissaient sur le plus fameux et peut-être le plus abouti, en l’occurrence Mojave 3.
Quelques beaux disques qui n’égalèrent jamais tout à fait la grâce de Slowdive. Avec les abstractions minimalistes de Simon Scott signées chez 12k, les albums solo délicats de Neil Halstead ou très récemment, le projet Minor Victories sur lequel se retrouvait Rachel Goswell, il y a réellement de quoi trouver des pépites dans cette discographie alternative.
Mais encore une fois, rien qui ne pourra égaler les trois premiers disques de Slowdive, parmi lesquels le second, Souvlaki fait figure de pierre angulaire de ce mouvement qui prendra (trop) tardivement le nom de shoegaze. Slowdive, quatrième disque de la formation homonyme, est plutôt un disque de dream-pop en ce sens qu’il n’essaye pas de reprendre en 2017 les codes d’un courant mort-né au succès essentiellement posthume.
Oui, à l’époque, c’était bien de dream-pop que l’on parlait pour décrire ces parties métronomiques de batterie épousant des nappes planantes de guitares distordues par des pédales d’effets et ces chants élégiaques saupoudrés sur un ensemble linéaire.
Vingt-deux ans après, le monde n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’il était à la sortie de Pygmalion. Mais la musique de Slowdive ne comporte ni rupture, ni redondance, ce qui est peut-être le plus beau compliment que l’on puisse faire s’agissant d’une reformation si tardive.
Les Britanniques ne bouleversent certes pas les codes du genre, mais ils ne restent pour autant pas dans une zone de confort. Il faut dire que l’évanescence et la créativité de leur jeu aérien avaient probablement (au moins) une paire de décennies d’avance sur son époque. Cette période de revival autour du shoegaze, débutée il y a une demi-douzaine d’années, en est le plus fidèle indicateur.
Avec Slowdive, le combo s’appuie donc sur ses acquis pour les transcender. Sur le plan sonore, rien ne permet d’objectiver le fait qu’il s’agit d’un album réalisé par des quadragénaires déjà bien avancés. Là où la rage et la verve s’étiolent au fil des années, la contemplation et l’onirisme n’ont pas d’âge.
De tout temps, l’homme a rêvé. Il se perd dans ses pensées. Médite. Et Slowdive est en ce sens un catalyseur hors pair. De Slomo, classique instantané qui fait hésiter en permanence entre envolée aérienne voluptueuse et hymne dansant pour sous-sol, au piano binaire d’un Falling Ashes final et mélancolique qui aurait trouvé sa place sur l’épure de Pygmalion, les Anglais alternent les temps forts et les pauses propices aux rêveries.
En plus d’un single Star Roving au flux instrumental dense auquel se mêle l’imperturbable chant de Neil Halstead et quelques saccades assurées par Rachel Goswell, il convient d’ajouter comme temps forts ce Sugar For The Pilldésarmant de lumineuse fragilité et surtout No Longer Making Time, autre instantané s’apparentant à un hymne sacrificiel qui reproduit petit à petit ce fameux « mur du son » inhérent au genre dream-pop sur fond d’accords mineurs.
A l’image de ce dernier, les huit titres de Slowdive sont surtout solides sur le plan de la trame narrative, là où certains se contentent de reproduire de manière superficielle les éléments immergés d’une recette ayant fait leur succès. La cohérence apparaît comme le maître-mot de ce disque, ce que laissait déjà suggérer Neil Halsteadlorsqu’il précisait que « quand tu es dans un groupe et que tu enregistres trois disques, il y a un courant continu. Ce courant a repris vie en nous lorsque nous avons donné des concerts, et puis cela a continué pendant l’enregistrement ». Passer par la scène était donc un préalable nécessaire pour reprendre les choses là où elles avaient été suspendues.
Ride, Jesus & Mary Chains, My Bloody Valentine, Chapterhouse, Moose… Il est évident que tous ces groupes essentiels sont particulièrement appréciables. Mais il faut bien se l’avouer, si Slowdive dégageait déjà ce petit supplément inexplicable qui en faisait un pilier de la dream-pop, le fait qu’il soit le seul (parmi ceux qui ont osé) à avoir réussi son retour ne fait que renforcer ce statut spécial d’empereur (bien malgré lui) du shoegaze.
J'avais bien aimé le mbv aussi, il renouvelait pas le genre mais il était étonnamment constant dans sa qualité !
RépondreSupprimerJe suis complètement de ton avis sur le disque et le morceau sinon !
En plus moderne tu retiens qui en dream pop/shoegaze à part Beach House ?
Pas fan du mbv pour ma part, mais je n'y suis jamais revenu. Peut-être devrais-je lui redonner une chance.
SupprimerEn dream pop/shoegaze plus "récent", je retiens Soon She Said, Warpaint, Still Corners, The Radio Dept, DIIV, certains Bat Fr Lashes.
Beach House, je ne suis pas plus fan que ça, finalement.
Ce serait quoi les artistes plus modernes de ce courant que tu apprécierais, toi ?
Ah oui, et Serena-Maneesh que le Lapin évoque, évidemment.
SupprimerPour Aidan Baker et Nadja, j'aime beaucoup certains de leurs disques, mais je trouve qu'il n'y a plus grand chose à voir avec le shoegaze là-dedans finalement.
Comme toi, Diiv. Warpaint et bat for lashes selon les chanson, mais j'aurais du mal à mettre ça en shoegaze.
SupprimerY'a un album de Medicine de 2013 ou 2014 qui était pas mal aussi, pas réécouté depuis longtemps.
Après j'ai adoré le Sealings de l'an dernier mais il était autant goth, post punk, psychobilly et indus que shoegaze
Pour moi y a guère que Serena-Maneesh, The Oscillation (mais très métissé entre rock psyché, kraut, dub, noise etc), Screen Vinyl Image et quelques sorties apparentées d'Aidan Baker Baker/Nadja qui aient compté en shoegaze dans les années 2010, sinon les vrais héritiers du shoegaze officient tous dans le drone.
RépondreSupprimerEn dream-pop il y aurait davantage de clients, School of Seven Bells, Mint Julep ou Porcelain Raft par exemple, Beach House à part l'excellent Bloom je dis gros bof par contre.
Tiens, Mint Julep ça ne me dit rien. Je vais découvrir de quoi il retourne. D'accord avec toi sur Beach House. School of Seven Bells, il me manque quelque chose pour accrocher. Ce ne devrait plus être le cas depuis le décès de Benjamin Curtis d'ailleurs. Ils ont sorti un truc l'an passé, mais je crois que c'était sur les rails depuis de nombreuses années.
SupprimerPour Aidan Baker/Nadja, il ne s'agit évidemment que de quelques albums en particulier, comme l'album très Cocteau-Twinesque de Baker avec Claire Bretnall ou "When I See The Sun Always Shines On TV" pour Nadja.
SupprimerMint Julep c'est le duo dream-pop d'Helios avec sa femme donc tu devrais aimer.
Bat For Lashes en effet si ça compte, j'acquiesce.
Et le mbv était tout pourri.
RépondreSupprimerC'est vrai qu'il passe assez vite cet album, mais comme tu le dis, n'est-ce pas là la résultante du fait que l'on passe un grand moment en l'écoutant ?
RépondreSupprimeron est d'accord sur la qualité de ce disque. Pour le reste, pas trop, mais je te laisserai découvrir ca sur la chronique que je suis en train de rédiger ;)
RépondreSupprimerBen voilà Elnorton, le dernier Jefre Cantu-Ledesma : https://jefrecantu-ledesma.bandcamp.com/album/on-the-echoing-green
RépondreSupprimer