samedi 15 décembre 2018

Bars en Trans 2018 : Emilie Zoé - Sailor (2018)

Pour ce deuxième volet de la série des Bars en Trans 2018, c'est Emilie Zoé qui est à l'honneur. La Suisse jouait la semaine dernière dans La Chapelle du Conservatoire de Rennes pour un concert dont la qualité a dépassé les espérances.

Et pourtant, je fais partie des fans de la première heure de l'artiste, qui livrait il y a deux ans un Dead-End Tape lo-fi tourmenté mais illustrant déjà une habileté mélodique au-dessus de la moyenne. Désormais assistée d'un batteur, Emilie Zoé a sorti le mois dernier un second album intitulé The Very Start ("le vrai début", elle précise qu'il s'agit désormais d'une manière de considérer son alias comme un véritable duo).

Cet album constitue une claque monumentale adressée à la face de l'auditeur. En effet, la particularité d'Emilie Zoé réside dans cette capacité à s'appuyer sur une économie de moyens (une gratte, une batterie et une voix, le plus souvent) pour révéler ce qu'il y a de plus pur et à la fois vicié dans la nature humaine.

L'élégante voix de l'artiste lui permet de faire des grands écarts, mais cette colère souvent refoulée est souvent présente, en arrière-plan. Mais cette économie de moyens est surtout prégnante en concert, comme sur cette excellente version live de l'excellente Tiger Song jouée dans un café dont les usagers assurent les percussions à l'aide notamment d'ustensiles de cuisine.

Pour cet article, j'ai longtemps hésité avec Tiger Song, mais c'est finalement Sailor que j'ai choisi de mettre à l'honneur. Sans doute car, lors du concert rennais, ce titre joué en guise de conclusion a été le plus réussi. Jugez sur pièce. Il reste onze minutes de concert - c'est ce qu'Emilie Zoé annonce après avoir saisi son téléphone - et elle entame alors un monologue, indiquant que le duo est venu de Neuchâtel l'avant-veille pour, après un concert livré dans une salle au plafond étroit contrastant avec la formidable hauteur de la chapelle, dormir au Formule 1. Elle ajoute qu'ils cherchent encore des dates - avis aux amateurs - et qu'ils vont jouer un dernier morceau.

Un seul morceau alors qu'il reste onze minutes ? Oui, mais il faut soustraire le temps de ce monologue et le temps que prend l'artiste pour accorder sa guitare. Et les voici qui nous balancent cette - j'utilise à nouveau le terme - monumentale claque qu'est Sailor - "un titre dédié aux marins" - dont la progression est un exemple du jour. Sur plus de huit minutes, se nourrissant des choeurs de son acolyte batteur, une Emilie Zoé possédée délivre une prestation hypnotique conclue par ces paroles susurrées en boucle après avoir débranché le micro : "i can't stay / because i age / my feet hurt / should i sail away". Le duo quitte la scène, répète inlassablement ces quelques vers, traverse la fosse et quitte la chapelle. L'assistance met quelques secondes à se remettre de cet uppercut et applaudit. Il est déjà trop tard. Les artistes sont partis voguer sur d'autres mers...


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