vendredi 23 octobre 2015

Archive - Restriction (2015)

A quel point peut-on se fier aux différentes chroniques que l'on peut lire à propos d'un disque ? Elles ne sont que la perception d'un individu dans un contexte particulier. Rien de plus. Il n'est en effet pas rare que l'on réévalue (dans un sens ou dans l'autre) un disque quelques années, voire même quelques mois après sa sortie.

Me concernant, le plus gros "revirement" de ce type est probablement, pour l'année 2015, le Restriction d'Archive. Il faut dire que ce disque a probablement souffert, dans mon jugement, de la pente descendante que j'attribue au collectif Londonien.

Petit récapitulatif : Archive a débuté sa carrière en fanfare avec Londinium en 1996 qui propose un trip-hop sombre en guise d'alternative au flegme d'alors de Massive Attack, la nonchalance de Tricky et l'émotion poignante dégagée par Portishead) avant de spliter, pour se reformer dans la foulée (sans le rappeur Rosko John et la chanteuse Roya Arab, remplacée par Suzanne Wooder) autour de Darius Keeler et Danny Griffths dans une veine plus pop sur le sous-estimé (et dénigré par le groupe lui-même) Take My Head en 1999. Le chef-d’œuvre suivra en 2002 avec You All Look The Same To Me, parfait condensé des deux influences précédentes sublimées par la partition vocale de Craig Walker (dont la maîtrise atteindra son paroxysme sur Again).

Ensuite ? 2004 verra le groupe marquer le pas (et pour le coup, cette impression est décuplée suite à l'écoute, décevante, de cet opus cette semaine, alors que je le tenais en respect jusqu'alors) sur un Noise dont on sauvera néanmoins quelques morceaux, à commencer par l'hypnotique Fuck U. Le début de la pente descendante ? Même pas ! Lights en 2006 poursuit le sillon creusé par ses prédécesseurs avec davantage de maîtrise, de retenue, de simplicité et d'efficacité que Noise.




J'ai longtemps pensé que le Controlling Crowds de 2009 constituait le chant du cygne d'Archive. Il faut dire qu'avec le retour de Rosko John dans le line-up et une volonté de renouer avec le son moins emphatique de Londinium, le descriptif avait tout pour me plaire. C'est le cas, et, qualitativement, cet opus se place aisément sur le podium du groupe. Il est donc d'autant plus surprenant que Controlling Crowds-Part IV, sorti la même année, ait été aussi décevant, alors qu'il devait constituer une continuité de l'opus du même nom.

Par la suite, Archive sera très productif quantitativement, mais rien de particulièrement intéressant (à mon sens) ne sortira des sessions de With Us Until You're Dead (2012) et Axiom (2014). Le groupe marque le pas et lorsque, le 12 janvier 2015, sort Restriction, je n'en attends pas grand chose. Voire rien. Et avec Archive, c'était une première. Une paire d'écoutes me confirmera cette impression d'un "circulez, y a rien à voir".

Pourquoi être revenu vers ce disque, alors ? La perspective de voir le collectif en concert m'a interrogée. Voir Archive en concert, ce serait une première pour moi, et ils jouent à moins d'un kilomètre de mon domicile. Une aubaine ? Tout dépend de la setlist et, en consultant celles de leurs derniers concerts, il apparaît qu'en plus de quelques pépites issues des premiers opus (Nothing Else de Londinium, You Make Me Feel de Take My Head, Numb et Finding It So Hard de You All Look, Fuck U de Noise, et même Bullets ou Dangervisit de Controlling Crowds), ce sont principalement les trois derniers albums, et particulièrement Restriction, qui sont à l'honneur. Forcément, c'est le jeu et l'exercice de la promo. Mais aller voir un groupe pour n'apprécier qu'un morceau sur trois, c'est une démarche un peu bancale.

J'ai donc réécouté Restriction et, en considérant cet opus sous un autre angle, il m'est apparu qualitativement bien plus intéressant qu'il y a neuf mois. En effet, là où le collectif avait pris l'habitude de disséminer sur chaque album un morceau tellement somptueux qu'il en justifiait à lui seul l'achat (Again, Fuck U, Lights et Bullets (ou Collapse/Collide) sur les opus parus entre 2002 et 2009, dans des veines parfois étirées puisque Lights dure 18 minutes, quand Again existe dans une version de 16, et que Fuck U s'étend aisément sur scène), rien de tout cela n'apparaît sur Restriction.

Le groupe ne serait-il plus capable de composer de tels sommets ? Possible. Mais je pense surtout qu'il est passé à autre chose, et tente (parfois sans y arriver pleinement, comme sur Axiom) de produire des albums qui ne sont pas une simple collection de chansons. Les transitions sont parfaitement soignées et à peine perceptibles, les morceaux se répondent les uns aux autres. C'est le genre de disque qui ne donne pas envie de "zapper". La démarche est presque symphonique. Dans l'esprit, puisque musicalement, cela n'a pas grand chose à voir.

A ce petit jeu, il est difficile d'extraire un titre de cet album éponyme, dont chacun des morceaux, pris isolément et si l'on part à la recherche d'un single, peut apparaître timoré au regard de la discographie du groupe. Il existe bien quelques moments d'emphase démesurée sur certains morceaux (un Feel It, qui démarre très bien, se poursuit sur la même veine, avant qu'un pont mielleux ne viennent hérisser les poils pendant 10 secondes), mais depuis Take My Head, c'est le (seul gros) défaut du groupe.

On appréciera néanmoins particulièrement la fausse ballade que constitue Restriction. Entre effets électroniques divers et claviers, la voix entremêlée de saccades diverses donne un aspect à la fois labyrinthique et hypnotique à un ensemble sur lequel on retrouve, à partir de 2 minutes 30, l'utilisation du traditionnel mellotron qui redonne, en plus d'une certaine grâce, une nouvelle dynamique à un morceau qui ne s'essoufflait même pas. Un titre brillant pour un album qui, s'il ne figure pas au sommet du panthéon personnel du groupe, n'a pas à rougir de la comparaison avec le très bon Lights, et surclasse des opus pourtant acclamés tels que Noise. On n'en a donc pas fini avec Archive, que je découvrirai avec plaisir sur scène la semaine prochaine.

16 commentaires:

  1. L'album m'a déçu, ça sent la variétoche pour teenages maladifs.
    Je retourne à Londinium.

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    1. Oh ba entre Londinium et Restriction, c'est évidemment le premier qui laissera le plus grand impact dans les mémoires collectives (dans laquelle je m'inclue), mais de là à y voir de la variétoche pour adolescents dépressifs, comme tu y vas =)
      Merci pour ton retour, en tout cas.

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  2. Belle chronique, surprenante, mais j'avoue que tu ne m'as pas convaincu d'écouter ce disque...
    J'ai découvert le groupe (comme beaucoup) avec Again, et j'ai adoré à son époque You look all the same to me. je le trouve cependant aujourd'hui assez surestimé (autant que Take my Head est sous estimé), et tient toujours en haute estime le Noise et Michel Vaillant, qui constituent l'apogée du groupe selon moi. Lights, bien que contenant de très bons titres, amorce la pente descendante (il regarde en arrière, et sa volonté d'etre un nouveau You look all the same to me sans y parvenir est trop manifeste). Quant à Controlling Crowds, je ne lui ai trouvé absolument aucun intérêt et il a fini de me détacher complètement du groupe. j'avais quand même jeté une oreille sur le suivant, qui était meilleur mais trop faible quand meme pour me décider à poursuivre. Je n'ai pas écouté Axiom, et ce que tu me dis de ce Restriction ne me tente pas trop....

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    1. Salut Xavier,
      Très honnêtement, je ne pense pas être en mesure de trouver les mots pour inciter quelqu'un à écouter un disque. Alors, lorsque l'on a décroché d'un groupe, c'est peine perdue. Je ne le sais que trop puisque, il y a encore quelques semaines, j'avais jeté Archive aux ordures (du moins tout espoir de les voir pondre un nouveau bon disque), alors même que je suis un grand fan de leurs débuts (disons de leurs 6 premiers albums).

      Je ne me suis jamais trop attardé sur la Bo de Michel Vaillant par contre, mais il faudra que je le fasse.
      Pour Lights, ton commentaire sur la volonté de refaire un deuxième YALTSTM n'est pas injustifiée, en effet. Cela dit, je pense qu'Archive paie le fait qu'à leurs débuts, ils ont fait des albums allant dans des directions très variées. Du coup, dès lors qu'ils se renouvèlent moins, on peut avoir l'impression d'un surplace.

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    2. ne te méprend pas, tes articles sont tout à fait capables de motiver quelqu'un à écouter un disque. Simplement, par la description précise et bien construite que tu fais du dernier album (agrémenté de ton avis sur les autres), je pressent déjà qu'il n'est pas pour moi...

      concernant Lights, oui et non car ils auraient pu tenter un nouveau Noise. Là ils ont vraiment (à mon sens) essayé de duppliquer la formule You Look All the Same to me (avec notamment "Lights" qui se veut un nouvel "Again")
      (sinon l'écoute de la BO de Michel Vaillant est indispensable, surtout pour u fan comme toi...)

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  3. Hey,

    Chez un groupe comme Archive qui a suivi des chemins divers et variés , tout le monde ne recherche pas la même chose. Personnellement j'écoute plus facilement Noise et Lights que le reste de leur discographie. J'aime bien le trip-hop, un peu, pas passionnément.

    Restriction je l'ai peu écouté, deux ou trois fois à tout casser, Axiom je ne connaissais même pas son existence, j'en étais resté à With us until you're dead. Et donc des deux derniers écoutés je retiens qu'ils font du Archive, très reconnaissable, bien fait mais en restant dans leur zone de confort. Ca ne sort pas des sentiers battus, ça ne révolutionne rien et surtout pas leur musique.

    Pour ce qui est du concert - et justement ce sera demain soir - je n'y vais pas pour une setlist ou quelques morceaux particuliers, je vais voir un concert pour un ensemble, show, ambiance, performance. J'avais aimé le concert de juillet 2013 (période With Us... donc) sans être transporté par l'album.

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    1. Salut,
      Le point que tu soulèves par rapport au concert est intéressant, et effectivement, je n'y vais pas que pour entendre tel ou tel morceau. Mais quand même, entre un concert où le groupe joue des titres que tu apprécies, et un entre où il répète des morceaux que tu ne t'es pas apprécié, ce n'est pas tout à fait la même chose (je parle pour moi en tout cas).
      Et puis, je dois bien avouer que je ne compte pas, parmi les amateurs de musique, de ceux qui vénèrent les lives par dessus tout. Je préfèrerai toujours (ou presque, ne soyons pas si catégorique) le travail de sape fourni sur un album studio à l'immédiateté d'un live.

      A ta différence, j'adore le trip-hop, ce qui explique sans doute que j'ai un rapport différent au groupe.
      Merci pour ton retour en tout cas, et bon concert =)

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    2. Bah voilà, concert terminé, pas de surprise. Archive, quelques titres anciens (Fuck U, Lights, You make me feel) noyés dans une set-list où les titres font parfois un peu copier-coller les uns des autres. Même rythmique, même façon de faire trainer les morceaux en longueur.
      Reste le show lui-même, projections sur un écran fond de scène divisé en trois. Des moments un peu arty assez agréables, des caméras gros plans sur les musiciens pas indispensables mais pas désagréables et une ou deux vidéo plutôt dispensables.

      Rien de transcendant à mon goût.

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  4. J'avais bien aimé les premiers albums mais j'ai lâché l'affaire depuis bien longtemps et je n'avais pas l'intention d'écouter ce disque... Comme quoi les propos ci dessus m'ont donné envie d'y jeter une oreille... Faut dire qu'avec spoty ça coute pas cher. Je suis évidemment du même avis que John Warsen. Trop pop pour moi. Mais la vidéo du concert http://culturebox.francetvinfo.fr/live/musique/rock/archive-a-la-carriere-a-saint-herblain-228939 donne encore moins envie. C'est un peu le problème des grands groupes... A force de visibilité excessive...ça lasse. j'ai davantage envie de voir du neuf... là tout est tellement prévisible...

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    1. Je ne suis pas très étonné que tu penses ceci de la trajectoire d'Archive, et je n'essaierai même pas de te convaincre, puisque je ne peux pas nier un côté plus "radio friendly" dans leurs derniers albums, qui s'éloigne forcément de tes horizons privilégiés !

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  5. J'ai du l'écouter une ou deux fois et bof...mais je vais retenter du coup...mais bon Archive je sais pas, j'avais eu leur 1er album en cadeau et tout le monde en disait tellement de bien que je m'attendais à je sais pas quoi et j'ai été plutôt déçue, au point que j'ai revendu mon disque (ce qui m'est peu arrivé!!!)...et après j'ai pas écouté grand-chose d'eux...pour ce dernier album ils étaient en résidence pas loin de chez moi et ils l'ont présenté en avant-première mais je n'y ai pas été... bon concert tout de même!! ;)

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    1. Quoi ? Tu as vendu Londinium =) ? C'est pourtant leur disque le plus "trip hop" dans l'esprit, je pensais qu'il figurait en bonne place dans ton estime =)

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    2. Ben oui je sais, j'en suis pas fière...:) Du coup je l'ai repris sur le net et je tente de temps en temps, mais je trouve ça juste pas mal...

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  6. J'ai tout lu avec intérêt, ça compense avec le peu que je connais de ce groupe. J'ai quand même pas mal écouté des titres, dans le désordre, sans chercher de cohérence dans mes écoutes. À cause du nom du groupe? Archive? Comme un encouragement à ne pas se poser de questions et à piocher au hasard ce que j'ai fait. Du coup, je garde ta chronique pour aborder, bientôt, plus tard, de manière plus systématique ce groupe dont j'avais retenu une filiation Trip Hop/Pink Floyd, et j’aimais bien cette idée. Donc je m'écouterai "You All Look...". Ceci dit, j'écoute l'album que tu chroniques sans rien trouver à jeter. Pour une première écoute c'est déjà du tout bon. Comme Radiohead, je pense les ranger avec ces rares groupes à avoir réussi à mixer tout ce que la pop apporte, y compris la période la première moitié des années 70, Le retour de l'ambition dans l'écriture et la composition? À suivre

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    1. Si tu ne connaissais pas (ou peu) Archive, et que tu as débuté avec Restriction, je pense effectivement que tu devrais trouver plus que ton compte sur You All Look The Same To Me. N'hésite pas à revenir par ici dire ce que tu as pensé des autres albums du groupe, mais la comparaison avec Radiohead (même si le quintet d'Oxford est inégalable à ce niveau à mes yeux de fan) sur le fait de mixer les différents pans de la pop et même au-delà est plutôt juste.

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    2. Un bon moment, plus facile à aborder que les grands RadioHead, mis on y retrouve ce genre complainte ... plaintive (pas trouvé mieux) Et le premier titre, comment ne pas penser à Pink Floyd. Par contre entre ce "You All..." & "Restriction" il y a un presque gouffre musical, pas forcément en qualité mais en style. J'y reviendrai je pense, je suis dans un trip Prog période récente, je pense me plonger chez Porcupine &co. Merci en tout cas de l'incitation

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