Avant de passer quelques années à n'écouter quasiment que le quintet d'Oxford (disons la période 2005-2007), je l'ai longtemps boudé, incapable d'en trouver la clé. Je me souviens même avoir supprimé des fichiers mp3 du groupe (quels morceaux ? Je suis bien incapable de le dire) pour ne conserver que Karma Police et Creep. Je devais avoir dix ans, cela constitue-t-il pour autant une excuse ?
Bref, j'ai bien du mal à ne pas narrer ici mon rapport à Radiohead, et plus précisément à Kid A, puisqu'il n'y aurait de toute façon pas grand chose de plus à dire sur ce disque sur lequel tout ou presque a déjà été dit.
Si Kid A est sans doute mon Radiohead préféré (il l'a été de manière assurée à une certaine époque, en tout cas, et entre Ok Computer, Kid A et Hail To The Thief, voire Amnesiac, je serais bien incapable de dire lequel je préfère, cela dépendant tellement des humeurs), c'est autant pour son contenu intrinsèque que pour la démarche courageuse à laquelle il est associé : le contre-pied.
Et si ce disque a été largement imité (pas tellement dans son artwork, quand j'y pense), c'est au moins autant dans cet art du contre-pied que dans son contenu (au fond, d'autres artistes lorgnant sur un univers électro officiaient bien avant Radiohead, et avec brio).
Sauf que les Anglais, eux, avaient assuré ce contre-pied au regard de critères purement artistiques. La volonté de ne pas tourner en rond et d'explorer de nouvelles contrées guidait cette démarche. Il ne s'agissait en rien d'une posture, d'une attitude, comme les nombreux suiveurs le feront. Se dégage donc de Kid A une cohérence et une authenticité véritables.
Cohérence artistique liée au contenu, mais cohérence en termes, là encore, de démarche. Pas de single sur ce disque (alors que Idioteque en aurait constitué un parfait, de même que Everything In Its Right Place), des morceaux d'ambient que certains passeront (trop) hâtivement (Treefingers, cela dit, ils avaient déjà fait le coup du morceau bizarre que l'auditeur distrait passe systématiquement avec Fitter Happier sur OK Computer).
Et puis, surtout, Kid A possède une empreinte sonore qui lui est propre. La batterie est en retrait, ce qui pourrait constituer un sacrilège : en effet, mettre un batteur tel que Phil Selway de côté, c'est un peu comme mettre Javier Pastore sur le banc de touche ; esthétiquement c'est un crime de lèse-majesté, mais l'efficacité peut parfois le justifier. Et puis, il y a la découverte des Ondes Martenot chères à Thom Yorke et surtout Jonny Greenwood qui prend alors une importance plus grande que jamais au sein du groupe, nous donnant déjà un aperçu des immenses qualités de compositeur qu'il présentera notamment sur There Will Be Blood OST.
La grâce et la délicatesse de ces ondes trouve à mon sens son sommet sur l'un des plus beaux titres jamais enregistrés par le groupe : How To Disappear Completely, dont le titre est en plus extrêmement significatif de l'état d'esprit dans lequel était le quintet d'Oxford et qui, en voulant se suicider commercialement après Ok Computer, n'a finalement fait que renforcer son aura. Je ne crois pas que le "grand public" (on se comprend) aura fait preuve d'autant de clairvoyance par la suite en soutenant un album aussi difficile d'accès.
Quinze ans, c'est donc long, et ça ne nous rajeunit pas, certes. C'est en même temps très court quand on imagine l'impact qu'aura eu Kid A durant cette période.
merci de ne pas me rajeunir ;)
RépondreSupprimerl'une des plus belles, si ce n'est la plus belle compo de Radiohead effectivement. Et une des porte d'entrée immédiate à Kid A, qui fut effectivement un vrai choc. C'est grâce à ca qu'on s'habituera au fil des écoutes à des chansons plus electro comme "Idiotheque", devenu aujourd'hui un grand classique.
Tu as raison d'évoquer la démarche, le contre pied etc... Mais à l'origine je ne suis pas sur que ce fut une réelle volonté, quelque chose de vraiment réfléchi. Je crois que Thom Yorke a simplement fait une overdose de guitare, et qu'il a refusé d'en jouer pour l'album suivant OK Computer. les autres ont du suivre. Et ce qui aurait pu les tuer les a finalement rendus plus fort. C'est clair qu'ils ont été exceptionnels, à l'époque personne ne les voyait relever le défi d'égaler un tel chef d'œuvre qu'OK Computer. Ils l'ont fait, et avec la manière ! (d'ailleurs ce n'était pas la première fois qu'ils avaient un comportement si radical)
(ah, au fait, si, avoir dix ans c'est une très bonne excuse...)
En effet, Thom Yorke en a sans doute eu marre des guitares, mais il s'agit bien là d'un contrepied lié à une volonté d'évolution, de changement artistique. Que cela ne soit pas réfléchi est finalement tout à son honneur, et ça vient s'opposer à la démarche des "suiveurs/poseurs" qui se sont dit : "Radiohead s'est fait respecter en se réinventant, on va faire pareil". Je caricature, évidemment, mais, s'il y avait peut-être aussi une appréhension de ne pas faire aussi bien qu'Ok Computer en restant dans le même registre, la démarche de Radiohead me semble pour le coup pleine d'authenticité.
SupprimerPour le coup des dix ans et de l'excuse, toi, tu cherches à justifier ta période trash métal à l'honneur sur tes premières cassettes =)
:) - non, je ne cherche pas d'excuse, d'abord parce que j'assume et en plus parce que j'étais majeur à l'époque! 10 ans, ca reste sacrément jeune quand même...
SupprimerTu dis ça dans le sens où c'était quelque chose de nouveau (que des musiciens du rock écoutent de l'électro) ? Je n'ai pas connu cette époque, je n'ai donc pas d'avis. Mais probablement s'agissait-il en effet du début des entremêlements de genres. Une tendance qui a accouché d'albums incroyables, mais dont, je l'espère, on reviendra. Car trop de fusion nuit à la fusion, à mon humble avis. Du moins, la fusion, oui, mais là encore, lorsqu'elle s'inscrit dans une démarche artistique. Pas à tout prix.
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