samedi 15 juin 2019

Cigarettes After Sex - Live Report (30 Mai 2019) + Keep On Loving You (2015)

En ce jeudi soir d’Ascension, plus que jamais, c’est bien le septième ciel que les spectateurs de la Nouvelle Vague ont atteint grâce à Cigarettes After Sex. Mais avant cela, cette soirée étant organisée par La Route du Rock, ils ont pu assister à une présentation de la prochaine édition du festival malouin.

Ainsi, François Floret, patron de La Route du Rock depuis 1991 et la première édition, se présentait face aux curieux avec le fidèle programmateur Alban Coutoux. Nécessairement, ils ont évoqué les particularités de l’édition à venir, qu’il s’agisse des nouveaux aménagements du site ou d’une programmation qui, du jeudi 15 au samedi 17 août, accueillera notamment Tame ImpalaBeirutMetronomyHot ChipStereolabDeerhunterIdlesPond ou Fontaines DC. Par ailleurs, en ouverture du festival, le mercredi 14 août prochain, Big Thief et Sharon Van Etten se produiront à La Nouvelle Vague. Que du beau monde.
Et du beau monde, il y en avait déjà sur cette scène en ce jeudi 30 mai. Avant d’accueillir le groupe de Greg Gonzalez, c’est le projet Américano-Britannique Unloved qui se présentait face au public. Le producteur Keefus Ciancia, co-compositeur de la bande originale de True Detective, la chanteuse Jade Vincent et le DJ David Holmes se sont rencontrés dans un bar d’Hollywood le 16 octobre 2015. Ce jour-là, leurs attraits communs pour les sonorités issues des sixties, la pop française et les musiques cinématographiques sombres les avaient incité à fonder ce projet commun, déjà reconnu par Etienne Daho qui s’invite d’ailleurs sur Remember, deuxième titre de l’album Heartbreak, sorti en février dernier.
Sur scène, seuls deux des membres du trio sont présents, et Jade Vincent est assistée de deux choristes, dont l’une se saisit ici et là d’une guitare. Le spectateur est transporté dans des ambiances ressuscitant le premier Velvet Underground, mais les parties plus mélodiques présentes sur disque sont souvent gommées. Unloved étire parfois des ambiances construites autour de la voix de sa chanteuse en n’intégrant ni rythmique, ni mélodie. Seuls des agencements de couches sonores presque bruitistes s’enchaînent alors. Lorsque la magie opère, l’ensemble est nécessairement envoûtant, les samples d’instruments classiques se lovant à bon escient dans cette atmosphère. Toutefois, en permanence sur-le-fil, cet univers génère parfois quelques moments moins entraînants, lors desquels le public semble rester à quai. Quoi qu’il en soit, ces atmosphères préparent le terrain pour le slowcore de Cigarettes After Sex. Dans l’attente, le public est invité à participer à un blind test permettant de gagner rien de moins que des pass pour la prochaine édition de La Route du Rock.
Et puis, Greg Gonzalez et ses musiciens entrent sur scène. Et le temps est suspendu. Un trio composé d’un batteur à gauche, un bassiste à droite et un dernier musicien aux synthétiseurs plein axe se répartit derrière le frontman du combo, muni de sa guitare en bandoulière. Les Américains prennent les choses à l’envers puisque c’est avec Young & Dumb, titre qui venait clore leur premier album, qu’ils ouvrent ce set. Les sonorités vaporeuses envoûtent d’emblée l’assistance, happée par la voix de Greg Gonzalez, peut-être encore plus touchante que sur disque. L’artiste dit rechercher en permanence des conditions se rapprochant de l’écho de sa voix lorsqu’il s’enregistrait dans la cage d’escalier de sa fac.
Imperturbable, manifestant une forme de nonchalance hypnotique se rapprochant même parfois d’une condescendance trop surjouée pour exaspérer, Greg Gonzalez ne s’agace même pas lorsque, sur le deuxième titre, reprise du Keep On Loving You de REO Speedwagon, l’ingénieur du son s’embourbe et coupe le micro du leader en cours de morceau. Une poignée de secondes s’écoule pendant que les autres musiciens poursuivent, et le chanteur retrouve de la voix.
Les titres s’enchaînent les uns après les autres et font la part belle au premier disque. Comme sur celui-ci, Opera House est sans doute le seul moment plus faible, et l’on regrettera l’absence d’un Flash que les Texans n’intègrent pas systématiquement à leurs playlists sans que l’on en comprenne véritablement les raisons. Pour le reste, sept des dix morceaux de ce disque sont joués, parmi lesquels les incontournables K.SunsetzApocalypse et même Sweet remportent la mise à l’applaudimètre. Le public accompagne même du bout des lèvres – forcément – le refrain d’un Apocalypse, répétant à l’envi Your Lips, My Lips / Apocalypse.
Si l’attitude du combo est fidèle à la fausse passivité et aux visuels en noir et blanc qu’ils revendiquent depuis 2012 et la sortie de l’EP I., le seul regret de la soirée concernera la qualité du son, parfois saturé lorsque Greg Gonzalez donne davantage de puissance à sa voix de velours. Ainsi, Each Time You Fall In Love pâtit légèrement de cet écueil, tout comme le pourtant excellent single Crush, sorti l’an dernier et issu des mêmes sessions d’enregistrement que les dix titres de l’album de 2017. Les compositions restent dans la même veine, l’univers est extrêmement cohérent, ronronnant diront ceux qui ne sont pas sensibles à cette atmosphère. Pourtant, entre les titres vaporeux qui restent en permanence sur-le-fil et ceux qui proposent des envolées mélodiques, la diversité est bien présente pour quiconque est happé, voire ensorcelé, par ces sonorités mélancoliques et brumeuses. Nous sommes toutefois bien impatients et curieux de découvrir si Cigarettes After Sex évoluera toujours dans ce même registre sur son prochain album ou s’ils arpenteront de nouveaux horizons, aucun inédit n’émaillant leurs setlists récentes.
Et cette soirée ne sera pas une exception à ce niveau. A leur première sortie de scène, la précipitation avec laquelle les musiciens quittent la scène et l’intensité de l’ovation du public ne laissent personne dupe : ils vont rapidement revenir pour effectuer un rappel. Il faudra se contenter d’un titre, le deuxième extrait dI. après l’hymne underground Nothing’s Gonna Hurt You BabyDreaming Of You, donc, par lequel Cigarettes After Sex a l’habitude de clore ses concerts, est investi, dans sa deuxième partie, d’une énergie rock qui contraste avec le slowcore façon Mazzy Star au masculin auquel les Américains nous avaient habitués, rappelant le Romans 13 :9 enregistré en 2011 à une époque où le groupe cherchait encore son style du côté d’une dream-pop plus tranchante.
Quoi qu’il en soit, en mêlant une découverte inégale mais intéressante à la promotion d’une alléchante édition à venir de La Route du Rock et au sommet que fut le concert de Cigarettes After SexLa Nouvelle Vague a offert à son public une grande soirée dont les images défileront longtemps encore dans notre mémoire. Tandis que les nappes vaporeuses et la voix envoûtante de Greg Gonzalez, déjà bien implantées, continueront à se balader dans les boîtes crâniennes des fans du combo…


3 commentaires:

  1. Je ne regarde pas Killing Eve, donc je ne sais pas si c'était bien un morceau d'eux. Je sais qu'une de leur compo est utilisée sur Vernon Subutex (que je n'ai pas regardé non plus), mais tu as tout dit : la réécoute a quelque chose d'addictif alors même que ça peut paraître monotone. Ca a un peu l'effet de l'ambient (hypnotique, prend son temps, atmosphérique), avec du chant et des rythmiques minimalistes.

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  2. indéniablement mon album de l'année 2017

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    1. Salut laoap, bienvenue sur ce blog. Clairement, mon album de l'année 2017 également !

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