lundi 18 août 2014

Report Route du Rock

L'été n'est pas une période très propice pour alimenter un blog musical. Il y a en effet mille autre choses à faire que rédiger un papier sur des disques dont le nombre d'écoutes est, me concernant, réduit à peau de chagrin ces dernières semaines.

Néanmoins, il existe - surtout pour un Breton - un passage musical estival obligé, en l'occurrence La Route du Rock, qui fêtait, à Saint-Malo, sa vingt-quatrième édition ce week end. Les têtes d'affiche - Portishead, Slowdive, Mac DeMarco ou encore Caribou et Moderat - étaient suffisamment nombreuses pour que je me rende au fort de Saint-Père à la mi-août pour la première fois depuis 2010 où l'affiche - The Flaming Lips, Massive Attack, The National ou Yann Tiersen - était là aussi extrêmement riche. Pour autant, cette édition 2014 sera marquée par quelques déceptions.

La première déception concerne le fait que je ne verrai pas Mac DeMarco (et rien que pour ça, j'accepterai les plumes et le goudron tant son récent Salad Days, mais aussi son prédécesseur 2, découvert sur le tard, m'intrigue). C'est quand même con, sachant que je considère le gaillard comme une sorte de Beck lo-fi et barré des années 2010 (la première vraie icône de la décennie en fait).

La seconde, c'est que de Slowdive, je n'entendrai qu'une partie, et encore, sans voir la scène. Je n'étais en effet pas festivalier sur cette édition, mais bénévole, et puisqu'il faut bien bosser un peu, j'avais privilégié le concert de Portishead, sur lequel je reviendrai.

La troisième, c'est la relative déception qu'ont consisté à mon sens les concerts de Caribou et Moderat. Pour Moderat, j'ai même lâché l'affaire un ou deux morceaux avant la fin du show, la fatigue et l'horaire n'aidant pas. Si certains titres (à l'instar de l'addictif Bad Kingdom) ont fait mouche et m'ont transporté, je suis trop souvent resté sur ma faim (comme à l'écoute du second opus du trio, finalement moins convaincant à mon sens que Modeselektor, duo dont sont issus deux des membres) pour apprécier l'ensemble.  



Pour Caribou, c'est différent, la déception n'est que très relative puisque Dan Snaith et ses compères ont principalement joué des morceaux issus d'Andorra (mais même pas le génial Melody Day) et surtout de Swim, sans doute mon disque préféré du Canadien. Au final, seulement deux titres (dont le convaincant I Can't Do Without You) du très très décevant Our Love à venir, ce qui me conforte dans l'idée (mais avais-je besoin de ça) que ce disque, draguant trop les habitués du dancefloor pour respirer l'honnêteté, est un échec cuisant.

Enfin, la quatrième déception, c'est ce temps, infect le premier soir, qui a transformé le fort en terrain de moto-cross géant pour toute la durée du festival.

Le bilan est donc négatif ? Que nenni ! A côté de ça, outre le plaisir de partager ce moment avec les copains, venus nombreux, et le frangin, et en plus d'une première soirée entre bénévoles où il est toujours agréable d'échanger et même se trémousser sur les airs de Blur, Arcade Fire, Radiohead, Belle & Sebastian et autres Pulp, j'ai pu assister musicalement parlant à un des plus beaux concerts qu'il m'ait été donné de voir, je parle évidemment de celui de Portishead.

J'aimerais pouvoir dire que je suis un fan de la première heure du groupe, mais à la sortie de Dummy, je n'avais pas encore six ans, il ne serait donc pas très raisonnable d'avancer une telle vérité. Je tiens néanmoins la formation Bristolienne en très haute estime puisque, s'il ne devait rester que dix artistes dans ma discothèque, ils seraient sûrement de ceux-là, aux côtés d'une autre formation issue du même coin, les Massive Attack déjà croisés au fort il y a quatre ans.

Je vais tuer le suspense d'entrée de jeu. Ce concert de Portishead était bien au-dessus de celui dispensé par Daddy G et 3D quatre ans plus tôt. Pourtant, ce dernier ne m'avait pas déçu, mais, défendant le seul album en-dedans de leur discographie et invitant trop de guests (bien que voir Martina Topley-Bird ou Horace Andy ne soit évidemment pas une purge) pour que le show ait le quart de l'unité de celui dispensé par Beth Gibbons.



Ce report ayant débuté par les points négatifs du festival, je vais également commencer par le seul point sur lequel je concèderai que l'on puisse discuter. Les détracteurs de Portishead l'ont d'ailleurs repéré et évoquaient une absence de prise de risque. Certes, la plupart des morceaux ont été joué avec une construction quasi-similaire à celle du disque, mais à quoi bon prendre trop de libertés avec un morceau initialement réussi et dont l'efficacité réside dans une tension sur le fil ? A ce petit jeu, Caribou n'a pas convaincu avec son titre-étendard Odessa revisité d'une manière loin d'être abominable mais trop déroutante pour être appréciée totalement.

A part ça, mon frangin notera bien une voix parfois trop faible par rapport à la musique, mais ce détail ne m'a pas choqué. S'agissant du visuel, là où Massive Attack avait frappé très fort il y a quatre ans, Portishead parvient à faire encore mieux avec un énorme écran géant (pléonasme quant tu nous tiens) sur lequel passent au choix, dessin animée envoûtant (sur The Rip), effets divers dont certains évoquent les fonds d'écrans des PCs des années 90s, ou encore prises des membres du groupe déformées à tel point que l'on s'imagine parfois en train de visionner une video de l'initiative Dharma (les fans de Lost comprendront).

Bref, le visuel est riche. Mais ce n'est rien à côté de l'aspect musical. Appliqués, à l'instar d'une Beth Gibbons dont la voix ne manque pas de me coller des frissons, les Bristoliens alternent, du moins en début de set, un titre de Third avec un des deux premiers albums (principalement Dummy, Portishead étant peu représenté, ce qui tombe bien car c'est, d'un poil, celui qui j'adore le moins, malgré un très joli Over brillamment interprété).

On a ainsi le droit aux classiques que sont Wandering Star ou surtout Glory Box, mais aussi aux plus récents Machine Gun (transcendé pour le coup sur scène), The Rip, Silence ou un Threads hypnotique et empli de majesté à tel point que j'aurais aimé qu'il ne s'arrête jamais. La posture de Beth Gibbons, deux mains empoignant le micro et vêtue comme une va-nu-pieds - ce qui n'atténue en rien on charisme scénique évident - est également pour beaucoup dans l'état presque hypnotique qui atteint la foule. La chanteuse finit le show en allant, de manière étonnante, taper dans les mains du public situé au premier rang, et le groupe s'efface. Le public ne s'en remet pas immédiatement et tout le monde semble convaincu d'avoir assisté à un grand moment. Même une bonne partie des sceptiques sera convaincue.

Portishead n'est pas de ces formations qui, tels les Smashing Pumpkins, touche son (gros) cachet en se contentant du minimum. Au rayon des sucreries, on notera la reprise du Climbing Up The Walls de Radiohead (l'un de mes titres préférés d'Ok Computer, et sans doute le plus proche de l'esthétique trip-hop) entendue pendant les balances. Portishead aura largement sauvé, musicalement parlant, un festival bien réussi sur les autres plans.


14 commentaires:

  1. Bien raconté, puisque je regrette de ne pas avoir pu entendre cette grande chanteuse, j'adoore sa voix, même quand elle louche vers des vocaux forcés. Je veux croire à leur réussite sur scène, le disque "Roseland NYC Live" le démontre, y compris quand ils veulent bien quitter le "confort" de l'album. Je rebondis sur ta question à propos de jouer autrement une chanson. En tout cas, le chant peut souvent s'en détacher, sous l'impulsion du public. Non?
    Bon, en attendant je me fais "Machine Gun" à titre de consolation.
    Sinon, tu as pu approcher ces artistes et va savoir avoir des news pour un futur proche?

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  2. J'étais sûre que tu nous ferais un petit "rapport" sur la Route du Rock!!! :)
    L'attrait principal était sans doute Portishead et vu la vidéo postée, on ne pourra que regretter de ne pas y avoir été... perso je regrette d'autant plus de les avoir loupés il y a 2 ans au Luxembourg (leur concert le plus près de chez moi)...:(

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  3. Ah Portishead.... Cette tournée a vraiment déclanché les avis les plus divers. je comprend bien que tu es pu etre scotché par leur show, musique et interprétation étant impeccables. Cela dit, je me dois de te contredire sur certains points: interpréter les titres de manière totalement identique à l'album studio, je trouve ca dommage. Cela dit, quand ces meme titres sont superbes et que le groupe se lache, leur donnant un surcroit d'intensité et d'émotion, cela peut donner des moments énormes (cf Radiohead). Mais justement, je trouve que Portishead ne donne pas ce surcroit d'intensité sur scène. Si l'on est si touché par leurs chansons, l'est on plus qu'en l'ayant découvert sur disque? Ce que j'ai fortement ressenti (sauf sur la fin, plus relevée), c'est un groupe qui joue la meme setlist depuis 5 ans dans tout les gros festoches, c'est une certaine routine qui fini par se ressentir dans leur concert, tout est huilé, rien ne dépasse.

    à ce titre, en tant que fan des Pumpkins, je bondis sur ton dernier commentaire. Les SP c'est avant tout le groupe qui a splitté en 2001. Avant cela, leurs concerts étaient des vrais modèles; réinterprétations dantesques de leurs titres, medleys, reprises inattendues, chansons prolongées par des instrus épiques, ou au contraire version acoustiques surprenantes, pioche de morceaux tubes ou inconnus de toutes leur discographie, peu de groupes ont été aussi bon sur scène qu'eux. Evidemment, le groupe monté autour de SP aujourd'hui est loin de tout ca, mais meme sur leur dernière tournée (qui correspond assez à ta description et qui 'a très décue), il y avait encore des surprises et on était bien loin du minimum que tu dis. Entre autres, la setlist change à chaque tournée et il y a des variations à chaque date.
    Entre nous la description "touche son gros cachet en se contentant du minimum" s'applique bien plus à Portishead qu'aux SP. Ce qui n'a fait qu'accentuer ma déception car, pour le coup, autant les SP ne font que de la merde depuis bien longtemps, autant Portishead a fait un retour des plus géniaux (mais qui commence à dater).

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  4. ah au fait, bien content de ton retour bloguesque, je commencais à me poser des questions...

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  5. @Devant -> Non, je n'ai pas pu approcher les artistes. Enfin, j'ai assisté à une partie des balances de Portishead à quelques mètres d'Adrian Utley mais sans pouvoir évidemment lui parler.
    Pour Portishead, je crois néanmoins qu'un nouvel album est dans les tuyaux (et le morceau inédit joué vendredi semble annoncer une continuité avec Third plutôt qu'un retour aux sources).

    @Chris -> Et oui, un concert de Portishead c'est quelque chose, mais il y a tellement d'artistes passés près de chez moi que j'ai ratés que je ne peux te lancer la pierre (Nick Cave, GY!BE et Aphex Twin pour les plus récents).

    @Xavier -> J'aime aussi beaucoup les SP, tu le sais bien, mais avant leur première séparation, je ne suivais pas le groupe (bon j'avais 13 ans en 2001 aussi). Je parlais donc du concert auquel j'avais assisté à la RdR 2007 (ou 2006, j'ai comme un doute) où pour le coup, Billy et ses potes avaient fait le strict minimum (ce qui ne m'a pas empêché de prendre mon pied sur un Tonight Tonight et quelques autres morceaux, hein).
    Mais pour le coup, à part le fait que le concert de Portishead collait trop à leurs interprétations sur disque, je ne vois pas quelle critique on pourrait émettre, surtout pas celle de manquer d'émotion, d'intensité. Si routine il y a, elle concerne la setlist mais sûrement pas la performance globale où Beth Gibbons et ses acolytes me semblent être dans une véritable authenticité, pour le coup, cette dernière sortant même du personnage impassible et presque vagabonde-friendly qu'elle semble s'être créée en allant serrer des paluches à la fin du show, de manière très étonnante.

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    1. je ne dis pas que le concert manquait d'émotion ou d'intensité, je dis qu'il manquait d'un surplus d'émotion et d'intensité par rapport au disque (sur la plupart des titres). ce que j'attend d'un concert, quoi...

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  6. Je précise que j'ai largement préféré les concert de Portishead de cette année que celui des SP l'année dernière (mais largement moins que celui des SP de 2000). Je ne conteste pas du tout que le concert de Portishead soit bon. Tu es très loin d'etre le seul à avoir pris ta baffe. A noter cependant que certains qui avaient pris une grosse baffe à Vienne il y a deux ans ont été très décus cette année à Fourvière, non parce que le concert était moins bon mais simplement parce que c'était le meme, quasi à la note près.
    Ce qui me fait réagir, c'est cette idée qu'il y aurait les intègres Portishead, qui mettent leur tripes à chaque concert et sont hyper authentiques, et certains autres groupes venus juste pour le pognon et qui se foutent du public. En admettant que ce soit le cas des SP (ce qui est vraiment discutable), eux au moins sont venu défendre un album (certes pourri, mais là n'est pas la question). de meme que les Pixies, qui sont le maitre étalon du concert minimum pour le fric (pas un seul mot au public, aucune surprise etc etc). Portishead? ils ne font que des festivals, avec une durée de concert riquiqui et toujours les memes titres joués (le prétendu inédit tourne depuis au moins 3 ans). Si ca c'est pas pour le pognon, je me demande pour quoi c'est.... quant à l'investissement sur scène, ok pour la chanteuse si on veut, quant aux autres je ne vois pas trop. Moi j'ai fortement ressenti la routine, et je ne suis pas le seul, mais bon.... C'est bizarre ce blanc sein qu'on leur donne. Sans doute parce qu'effectivement ils ont sorti l'un des plus forts albums de la décennie.

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  7. J'ai une vision assez différente du concert. Pour moi, le concert, c'est un peu comme une pièce de théâtre, on ne peut pas en changer la trame tous les soirs ou alors on prend le risque de faire quelque chose d'instable, incohérent.
    Je ne crois pas en l'idée que reproduire la même chose tous les soirs fait que l'on y perde en émotion. Je crois en la "spontanéité préparée" ou quelque chose de ce genre.
    Après, si j'ai laissé entendre que Portishead ne venait pas pour le fric, c'est que je me suis mal exprimé. Je ne me fais plus guère d'illusions sur les intentions des groupes que j'adule depuis quelques temps. Portishead vient pour encaisser son chèque, les Smashing le faisaient pour la même raison, Mac DeMarco de même et si Radiohead ne vient pas à la Route du Rock, c'est parce que le chèque proposé n'a pas assez de zéros à la fin.
    Ce n'est pas sur ce terrain que j'ai envie de placer le débat, plutôt sur la musique. Et je suis sans doute moins exigeant que toi sur un concert car je peux me lasser rapidement d'un show (on est debout, avec les copains, donc on est tentés de parler, faire autre chose), rien à voir avec les conditions d'écoute d'un disque, qui plus est taillé, réfléchi, découpé en studio pour sonner "parfaitement".
    Je suis bien plus adepte du disque que du live, peut-être est-ce pour cela que j'attends moins que toi une sublimation du contenu du disque lors des prestations lives.

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    1. Je vois ce que tu veux dire, c'est un bon argument, mais qui vaut pour une tournée. Travailler une "pièce de théâtre" par an, ça me parait le minimum....
      tu n'es pas le seul à m'avoir fait la remarque sur mes exigences, tu as raison j'attends beaucoup d'un concert, et les groupes dont je suis fan reflètent cette exigence (Eels, par exemple ;) En plus avec le temps j'ai tendance à me blaser, je le reconnais...
      Quant à placer le débat sur le fric, c'est vrai que c'est stérile. Mais comme c'est ta phrase sur le gros cachet des SP qui m'a fait réagir, c'est pour cela que je mettais Portishead dans le même panier à ce niveau là.

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    2. Ma phrase concernant le cachet touché était sans doute maladroite. Je n'évoquais pas une potentielle démarche désintéressée de Portishead, seulement le fait que, au-delà de ces questionnements pécuniaires, ils ne se contentaient pas du minimum, comme l'avaient fait les SP à la RdR (post-reformation, auparavant, c'était sans doute très différent en effet).

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  8. Sympa le report de Portishead !

    Et du coup même impression que moi sur le nouveau Caribou je vois ?

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  9. et kurt vile, t'en as pensé quoi ?

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    1. J'ai écouté trop distraitement pour pouvoir émettre un réel avis sur Kurt Vile. J'ai dû entendre un ou deux morceaux sympas, et après il fallait travailler...

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  10. c'était donc à La Route que tu as raté Marc DeMarco
    il passe sur Lyon en Novembre et d'autres dates sont annoncées ;)

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