vendredi 25 avril 2014

Damon Albarn - Everyday Robots (2014)

Parfois, on sait avant d'écouter un disque qu'on va l'aimer. Quand on ne l'aime finalement pas trop, la déception est alors immense. C'est exactement ce qui m'était arrivé avec le Plastic Beach de Gorillaz en 2010.

J'en profite pour évoquer un morceau issu de cet album qui tourne malgré tout en boucle chez moi, en l'occurrence le Welcome To The World of The Plastic Beach, notamment cette version live où Snoop Dogg n'a pas fait le déplacement, mais qui fonctionne malgré tout de manière curieuse.


Snoop Dogg, d'ailleurs, un artiste curieux, dont je n'aime pratiquement aucun morceau de sa discographie (je n'ai pas tout écouté, faut dire), et pour lequel je ne pourrais pas parler de charisme (ou alors bien nonchalant), mais j'ai malgré tout une sympathie que je ne m'explique pas pour le personnage, alors même que le rap west coast n'est pas vraiment mon dada (clairement). Mais je trouve son flow, nonchalant (pour le coup, ça c'est un terme qui le définit à merveille) plutôt efficace.

Bon, c'est con de commencer une chronique parlant d'un chef-d’œuvre (car oui, c'en est un, et ce n'est que la première fois que j'utilise ce terme dans la chronique, je parie qu'il va y en avoir d'autres), en évoquant un autre artiste mineur, et un album raté.

Mais voilà, Damon Albarn nous avait habitué à du caviar depuis 1997, et Plastic Beach constituait une grosse déception. QuoI ? Du caviar, j'en fais trop ? Jugez par vous mêmes : En 1997, Blur, l'album où figure Song 2, mais mon gros kif du moment, c'est Beetlebum. Sans doute le seul album qui fasse totalement l'unanimité chez les fans du groupe puisqu'il est le parfait trait d'union entre le début de carrière sympathique à tendance britpop et la veine plus exigeante dans laquelle va poursuivre le groupe. En 1999, on enchaîne avec 13, où la face plus expérimentale du groupe est clairement apparente.





Premier crochet en 2001 avec le premier Gorillaz, éponyme, qui était déjà très bon. On résume, de 1997 à 2001, Albarn est impliqué dans trois très bons albums. Le meilleur reste à venir.

2003, le chef-d’œuvre de Blur : Think Tank. Malgré leur reformation récente, ça restera à priori leur dernier album (Albarn ayant avoué avoir perdu la flamme lors des concerts du quatuor effectués en 2013). On pourrait en parler des heures de Think Tank, véritable album de chevet, melting-pot d'influences parfaitement digérées où on voit que le petit brit-poppeux a clairement évolué (et, avec le départ - temporaire - de Graham Coxon, c'est plus que jamais le seul maître à bord. Pour le meilleur album du groupe, hasard ? Non). 2005, le chef-d’œuvre de Gorillaz : Demon Days. Là, en termes de digestion d'influences, ça va encore plus loin, les balises posées avec Gorillaz permettaient un grand écart encore plus impressionnant.

2007, The Good, The Bad & The Queen, nouveau projet du Britannique, dont le premier (et seul) album est un bon opus (je n'irai pas au-delà pour ma part). Et donc en 2010, l'échec de Plastic Beach, suivi d'un album enregistré en un mois sur son iPad, The Fall, toujours avec Gorillaz, meilleur que Plastic Beach à mon sens car plus en retenue, mais plutôt anecdotique aussi.

Pas mal, pas mal, et encore, je ne parle pas de Mali Music (2002), en soi, c'est moins mon truc, et j'ai tenu qu'une moitié d'albums, il n'en reste pas moins que cette étape est fondamentale dans le "glissement" d'Albarn vers des expérimentations un peu plus éthniques ou l'opéra Dr Dee (2012).

Et j'évite encore les apparitions chez Deltron 3030 (sur le premier en 2000, mais aussi sur le deuxième l'an passé, plus décevant), chez Fatboy Slim sur le Put I Back Together figurant en 2004 sur Palookaville, chez Massive Attack en 2010 avec Saturday Comes Slowly, ou la même année chez Gil Scott-Heron sur Me And The Devil.

Bon ok, c'est un touche à tout génial, on a compris, mais tu vas nous parler de son nouvel album ?

On y vient, mais d'abord deux extraits, puisque j'avais déjà écouté ceux-ci avant de m'attaquer au disque (hier seulement).






Avant même d'écouter l'album, j'avais envie de l'aimer. Et puis, ça tombait plutôt bien puisque la semaine passée, j'avais assisté à une conférence de Christophe Brault (le type qui fait aussi des conférences à La Route du Rock, en fait c'est devenu son métier à plein temps après avoir été animateur radio puis disquaire) intitulée "Damon Albarn et le mouvement britpop".

Deux heures d'anecdotes (Blur aurait enregistré un morceau - une face B intitulée St Louis - à Rennes) et de morceaux passés (c'est là que j'ai redécouvert Beetlebum qui a un effet assez addictif depuis, enfin jusqu'à ce que j'écoute ce nouveau disque), bref que du bonheur. Et ça précédait un concert des étudiants du conservatoire dédié à notre Britannique. Sympathique, mais pas transcendant.

Bref, tout le contexte faisait que j'avais envie d'aimer ce disque, et les deux premiers morceaux me confortaient dans cette optique. Avouez que Everyday Robots et sa rythmique cardiaque est à la fois froid et imparable, tandis que Lonely Press Play est une magnifique ode au sobre désespoir.

Everyday Robots est un album touche à tout. Connaissant le loustic, j'aurais été déçu qu'il se centre sur un seul panel d'influences. Pop, électro, jazz, ethnique, voire même gospel sur l'incroyable Heavy Seas of Love sur lequel Brian Eno s'invite et qui conclue à merveille l'album, tout y est.



Qu'elle semble loin la rage presque adolescente des premiers Blur, ce disque est introspectif. Jamais Albarn n'en fait trop, que ce soit vocalement (un niveau où il reconnaît ses limites) ou musicalement où il réussit un parfait numéro d'équilibriste pour réussir à instaurer une riche épure, à l'instar d'un Photographs d'une honnêteté indéniable, presque minimaliste dans sa première partie avec une rythmique martiale, un sens mélodique et des cordes imparables ne viennent sublimer l'ensemble pour en faire l'un de mes coups de cœurs de ce disque. 



Je crois que l'on pourrait passer en revue ainsi tous les titres, ou presque, il me reste seulement à évoquer You & Me et son crescendo en termes d'intensité qui est presque sans égal. Damon Albarn est un génie, ça, on le savait. A l'instar d'un Clarence Seedorf sur le pré, réputé pour avoir remporté la Champion's League avec trois clubs différents, Damon Albarn en est à trois chefs-d’œuvre (et je parle là de ces vrais disques de chevet, pas de très bons albums, il en aurait alors au moins le double à son actif) avec autant d'étiquettes. Qui, actuellement, peut en dire autant ?


19 commentaires:

  1. On est sur la même longueur d'onde concernant ce disque. Et Beetlebum aussi, certainement mon morceau préféré de Blur dans les 90s.

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  2. Et on est sur la même longueur d'ondes concernant Albarn / Blur / Gorillaz / The Good...J'en ferais la même analyse que toi, avec les mêmes pics et les mêmes creux. Même si finalement je sauve quelques titres de Plastic Beach.

    Du coup j'ai envie d'aimer ce disque moi aussi. De toute façon j'y serais aller avec un a-priori favorable parce que j'ai une grosse sympathie pour ce garçon. Je m'en vais faire un tour du côté de Deezer pour le tester.

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    1. N'hésite pas à revenir me dire ce que tu en as pensé en tout cas. C'est jamais tellement bon d'entendre trop de bien d'un disque avant de l'avoir écouté. Quoi que dans mon cas, je m'attendais à quelque chose de très bon, et ça va bien au-delà.

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    2. A prendre avec du recul, je ne l'ai écouté qu'une fois et je pense qu'il demande à être apprivoisé : je suis un peu déçu dans le sens où j'y trouve une certaine monotonie. Peut-être un peu trop introspectif à l'image du dernier Eels. Sur les premiers morceaux j'avais l'impression (positive) d'une sorte de best-of des expériences d'Albarn avec ces différents groupes et puis ce sentiment s'est délité petit à petit pour faire place à une sensation de tourner un peu en rond. Ça m'a laissé un peu le même goût en bouche que The Fall de Gorillaz. Bon mais un peu plat sur la vision d'ensemble.

      Sérieusement il faut que je m'en imprègne mieux. J'y reviendrai certainement.

      Quant au Eels, décidément, après 5 ou 6 écoutes, je le trouve aussi un peu monotone. Il me manque toute la variété de sons et de rythmes qui fait la saveur de ces disques habituellement. Et j'avais eu aussi cette impression avec le dernier Beck. Merde, 2014 l'année du mou du genou...

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  3. Beaucoup aimé le Eels ainsi que celui-ci. Je ne peux m'empêcher néanmoins de le trouver très ancré dans son époque. Ce n'est pas un reproche mais J'avais eu le même sentiment avec Blur au début... En même temps peut-être que j'ai lâché l'affaire un peu vite...Je n'avais même pas jeté une oreille à Think Tank qui pourtant s'écoute bien encore aujourd'hui.
    Jamais accroché à Gorillaz alors qu'au contraire j'ai beaucoup écouté Mali Music... A chacun ses parcours... Et je suis curieux de savoir si celui-ci ira au delà de son époque... Parions que oui.

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  4. J'en pense la même chose peu ou prou. Je ne l'ai écouté qu'une fois en entier, mais je connaissais la bonne moitié des chansons à l'avance, égrenées sur youtube avant la sortie. Il me faudra donc plusieurs écoutes, j'ai quand même l'impression d'un "plat" dans le 3e quart de l'album, à confirmer ou pas à la réécoute;

    Pour la carrière d'Albarn en général, je n'ai pas tout à fait les mêmes "pics de qualité" que toi (même si c'est très proche), mais je ne vais pas chipoter, pas envie de rentrer dans le détail.

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  5. Le 3ème quart, celui des You And Me, Hollow Ponds et Photographs ?! On doit pas avoir écouté le même disque.

    Sinon je le trouve au contraire assez hors du temps ce disque, empreint de pas mal d'influences actuelles mais phagocytées par la dimension presque gospel du disque, un peu comme Think Tank dans ses meilleurs moments et si les morceaux (pourtant très inspirés) produits par Fatboy Slim vieillissent un peu plus difficilement, je saurais pas dire quelle époque évoquent le bien-nommé Out of Time, Sweet Song ou encore Battery In Your Leg.

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    1. Heureusement que je contextualise :) J'ai dit que j'avais une seule écoute à mon actif, hors singles. Le 3e quart ne contient aucun single, c'était une première écoute uniquement, et comme je l'ai dit je n'ai pas de jugement pour le moment, j'ai même ajouté "à confirmer ou pas à la réécoute". En plus j'ai peu de temps en ce moment, je me le suis passé dans des conditions pas top (écouteurs à l'ordi + en révisant les exams).
      Alors merci le "on doit pas avoir écouté le même disque" un chouia condescendant.

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    2. Étonnamment pas mal de gens avec qui je discute sur internet ne prennent pas du tout Albarn au sérieux et nient les qualités de ce disque, je sais que ça n'est pas du tout ton cas mais je devais sortir d'une discussion à chaud, désolé pour la remarque un peu sèche.

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    3. Pas grave ;) Je le prends très au sérieux, depuis Blur et dans tout ce qu'il fait depuis (j'écoute un de ses disques quasi hebdomadairement entre Blur, Gorillaz, The Good The Bad & The Queen...), et c'est vrai qu'à la réécoute les morceaux que tu cites sont excellents, et le disque se révèle très homogène.

      C'est toujours compliqué de donner des premières impressions, et on se fait souvent descendre. Ca m'énerve car je fais toujours attention à bien contextualiser ce que je dis, mais j'ai l'impression que personne ne lit vraiment ce que les autres écrivent et partent au quart de tour sur le net alors qu'il n'y en a pas besoin. Je sortais d'une discussion comme ça aussi sur un autre blog, d'où ma petite vexation ici et ma réponse également sèche. Les torts sont partagés donc ;)

      Pour tout te dire j'ai été un peu dégoûté de quelques réactions ici ou là, et j'ai pensé très sérieusement à un retrait plus ou moins temporaire des blogs... Ta remarque n'était pas méchante, mais dans ce contexte, elle a été un peu mal reçue. Pas ta faute donc. Mais ça va mieux là.

      Au plaisir de te revoir ici ou là en commentaires ou sur tes articles. Ciao, à bientôt :) !

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    4. J'avais bel et bien lu, en plus. Sans doute l'habitude des forums où l'on se connaît mieux et où les réponses du tac au tac ne sont pas forcément prises au sérieux, ou en tout cas pas comme des attaques personnelles. Il faut avouer aussi que ça n'est pas toujours facile, quand on n'a pas énormément de temps à consacrer aux discussions ici et là, de toujours penser à s'adapter au degré de familiarité que l'on a avec ses interlocuteurs. Merci de l'avoir bien pris en tout cas !

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  6. Ah oui clairement, le 3ème quart du disque est peut-être mon préféré si on le pousse jusqu'à Photographs.
    Autant la britpop de Blur sonnait très en phase avec son temps, autant pareil, pour Out of Time, pas sûr.
    Pour Gorillaz, davantage par contre, effectivement, même pour le génial Demon Days.

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  7. Mais le côté gospel m'évoque celui d'Alt-J et la prod proche du dernier Notwist... qui lui aussi est très dans l'air du temps... A l'inverse le dernier Eels est très intemporel ce qui n'est pas forcément mieux...

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    1. J'entends plus de Massive Attack que de Notwist dans la prod, ce qui s'expliquerait aisément vu qu'il les a côtoyés sur Heligoland. Et le côté gospel est présent chez Blur depuis 13 (cf. Tender).

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  8. Moi j'avais plutôt un mauvais pré-sentiment sur cet album, car les albums solos me font toujours assez peur. Mais finalement je n'avais pas à avoir peur. Albarn nous fait découvrir une nouvelle facette de son univers. La simplicité est sublime, il arrive à esquiver une mollesse sous jacente, là où d'autres ont sombré. Je vous rejoint totalement sur le côté "hors du temps", sa musique n'a pas vraiment de codes, de mimiques propre à un genre et se fait alors intemporelle. Il fait aussi volte face de précédents album très produits voire top 50, tout en gardant une intégrité et une nature commune sur le reste de sa discographie.
    Apparemment Richard Russell est encore dans le coup, il va devenir le spécialiste des producteurs d'album "sentimentaux".
    Il va me falloir plus d'écoutes pour bien le juger, mais il me parait excellent, sans être le meilleur de sa discographie.

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  9. Eh bien, je n'ai écouté que les extraits que tu as mis... et tu avais raison...je suis assez emballée par ces titres, ils annoncent un bel album...

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  10. Bon, me voici de retour en musique, même pas eu le temps d'un post... Mais ta chronique m'a happé... Et je me suis mis en écoute l'album.
    Vous savez quoi, il se trouve que j'aime sa voix! En fait pour beaucoup si la voix me touche je laisse beaucoup passé... Si tu ne tombe pas sous le charme de la voix d'un Staples Tinderstick peut être monotone, idem pour Lambchop ... etc.. Et voici donc que j'écoute son "Robots.." et je fonds.
    Merci de vos échanges. Ils ont été déterminants dans mon choix d'écoute.
    Les temps consacré à la musique nous sont comptés, alors un petit coup de pouce est bienvenue.

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  11. Mid tempo peut-être souvent mais variés, ça oui... Et même que je décide que le petit morceau, c'est un clin d'oeil à Comelade... J'ai envie

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  12. Je me suis acheté cet album vendredi dernier (avec le Ray Lamontagne) et il tourne en boucle depuis.
    Quel superbe "premier" disque solo (l'expression est bizarre vu l'hyperactivité du bonhomme).
    Très bon texte à l'analyse que je partage complètement !!
    A +

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